Intervention de Claude Domeizel

Réunion du 28 octobre 2013 à 15h00
Avenir et justice du système de retraites — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi

Photo de Claude DomeizelClaude Domeizel :

Pour étayer mon propos, je rappellerai brièvement l’histoire des retraites, l’émaillant d’évocations surprenantes pour certains.

De l’année 1945, nous devons retenir trois noms : Alexandre Parodi, Ambroise Croizat et Pierre Laroque, que j’ai eu la chance de rencontrer à plusieurs reprises, et au moins deux fois longuement.

La première mesure prise fut le maintien du statut des fonctionnaires ; la deuxième mesure fut, le 17 mai, la création, dans le cadre d’un système par répartition, de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, la CNRACL, qui regroupe les agents des collectivités et des hôpitaux.

Il fallait aussi choisir un système. Au risque de vous surprendre, mes chers collègues, un point ne souleva aucune difficulté : l’âge de la retraite, qui passa de 60 ans à 65 ans. À l’époque, après les nombreux décès causés par la guerre, un certain pessimisme démographique fut à l’origine d’une telle décision.

Contrairement à ce que l’on peut entendre, deux sujets firent l’objet de débats très difficiles. Le premier portait sur la question du régime unique. Le second opposait systèmes de répartition et de capitalisation. Ambroise Croizat, ministre du travail et de la sécurité sociale de l’époque, trancha en faveur du maintien de tous les régimes existants et du système par répartition, même si certains, de façon surprenante, défendirent avec beaucoup de ferveur le système par capitalisation.

Peut-être aurait-il fallu prévoir des solutions pour les régimes qui risquaient d’être en difficultés plus tard. Peut-être aurait-il fallu constituer quelques réserves.

Le choix de maintenir les régimes existants impliquait une solidarité entre les régimes.

Ainsi, la loi de 1974 prévit-elle, face aux difficultés de certains régimes, de créer un régime unique en quatre ans. En attendant, a été créée une compensation, c'est-à-dire une aide des régimes les plus favorisés en faveur des régimes les plus défavorisés. Je peux dire ici que la CNRACL y a contribué fortement, à hauteur de plus de 65 milliards d’euros depuis 1974.

Il faut bien le reconnaître, madame la ministre, ce dispositif est à bout de souffle et il faudra le revoir. En 1974, on n’avait pas tenu compte des capacités de trésorerie de l’ensemble des régimes.

Pour atteindre l’équilibre, le premier levier, cela a été indiqué, est l’emploi.

Je rappelle que, sous le gouvernement de Lionel Jospin, de 1997 à 2002, le nombre de chômeurs avait beaucoup diminué. À son arrivée au pouvoir, ce gouvernement avait dû faire face à un déficit de 54 milliards de francs. Il avait rétabli l’équilibre en 2002, grâce au développement de l’emploi.

Je rappelle aussi que la répartition contient dans son principe même une règle fondamentale : les employeurs et les salariés cotisent pour les retraités. C’est un système d’assurance contributif sur le produit du travail. Certains parlent même de salaires différés, conformément d’ailleurs à la théorie défendue par Ambroise Croizat. Permettez-moi, mes chers collègues, de vous lire un extrait du guide de l’assuré social et des vieux travailleurs de l’époque, dans lequel le ministre écrivait : « La gestion est d’ores et déjà confiée aux assurés eux-mêmes. […] Pas d’étatisation ni de fonctionnarisation. […] L’État […] n’a plus qu’un simple rôle de contrôle technique et financier à exercer. »

Voilà le résumé d’une position qui ne doit pas être oubliée : les actifs paient pour les retraités. Ainsi, si l’on veut respecter cette règle, l’équilibre doit être trouvé dans le seul périmètre du travail.

Le présent projet de loi prévoit une augmentation des cotisations salariales et employeurs, la diminution des pensions du fait du recul de la revalorisation du 1er avril au 1er octobre et l’allongement de la durée de cotisation à partir de 2020. Comme je le disais tout à l’heure, l’allongement de l’espérance de vie nous autorise à prendre une telle disposition

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