Le débat sur le démarchage juridique revenait légitimement aux commissions des lois des deux Assemblées. La Commission européenne a sommé la France de lever son interdiction totale après un arrêt de la Cour de justice européenne. Est-il légitime qu'un expert-comptable qui démarche un client pour lui proposer une mise en conformité avec les procédures comptables internationales encoure un an de prison s'il lui propose de rédiger la partie comptable des statuts de sa société, alors qu'il a le droit de rédiger de tels documents ? Est-il légitime qu'un expert foncier ou un administrateur de biens qui démarche un client pour assurer la mise en vente d'un terrain encoure la même peine s'il mentionne que la loi lui permet de rédiger la promesse de vente ? Le projet de loi consommation confère aux avocats le monopole du démarchage juridique, alors que d'autres professionnels du droit tiennent de la loi l'autorisation de mener des consultations ou de rédiger des actes juridiques. Certes, les avocats sont soumis à une déontologie protectrice des consommateurs, leur compétence est garantie et ils exercent le droit à titre principal. Cependant, des professions règlementées comme les experts comptables, les experts fonciers ou administrateurs de biens sont aussi soumises à une déontologie exigeante, et d'autres professions exercent le droit à titre principal, comme les professeurs de droit. Cette inégalité de traitement est-elle conforme à nos principes constitutionnels et à l'exigence communautaire de libre prestation de service ?
N'est-il pas préférable de fixer dans la loi plutôt que de renvoyer au décret les conditions dans lesquelles le démarchage peut s'effectuer ? Pourquoi ne pas directement faire référence dans la loi aux principes essentiels de la profession ou à l'interdiction du démarchage effectué autrement que par écrit ? Est-il légitime que le niveau de répression de démarchage abusif soit abaissé ? Les avocats sont aujourd'hui passibles d'une sanction pénale et disciplinaire. Avec ce texte, seule cette dernière demeurerait, tandis que les autres professions resteraient passibles de prison. Les avocats s'inquiètent de la remise en cause du monopole qui leur a été conféré. La place qu'occupe cette profession dans la pratique du droit et la protection des justiciables mérite que l'on entende cette inquiétude, exprimée par les deux amendements de nos collègues.
Il est regrettable que le Gouvernement n'ait pas consulté les autres professions du droit sur ce sujet. L'essentiel est que ce débat soit ouvert, et je suis par conséquent défavorable à l'amendement qui vise à le refermer. Ceux de nos collègues ne remettent pas en cause le fait que les conditions d'exercice du démarchage en matière juridique soient définies par la loi et non par décret.
Restent deux questions : faut-il exclure toute sanction pénale des avocats, quelle que soit la gravité du manquement constaté à leurs obligations ? Faut-il maintenir le monopole en faveur des avocats, l'ouvrir à d'autres professions exerçant le droit à titre principal, l'ouvrir de manière limitée aux professions réglementées exerçant le droit à titre accessoire, ou encore aux professions non réglementées mais titulaires d'un agrément ?