Intervention de Stéphane Mazars

Réunion du 23 janvier 2014 à 9h00
Comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Stéphane MazarsStéphane Mazars :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes cherscollègues, notre groupe souhaite aujourd’hui remettre le droit pénalau cœur des débats de la Haute Assemblée, qui s’esttoujours montrée, comme chacun le sait et le reconnaît, à lapointe du combat pour les libertés publiques. Ce combat, nous le portons, aujourd’hui comme hier, en nous plaçant dans le sillon d’Albert Camus, qui écrivait : « Si l’homme échoue à concilier la justice et la liberté, alors il échoue à tout. »

Mes chers collègues, ce combat pour la liberté, pour une justice équitable, est toujours d’actualité. Il nous appartient de nous mobiliser pour lutter contre les injustices, qu’elles concernent les victimes, que nous n’oublions jamais, ou les délinquants, qui eux aussi doivent voir leurs droits garantis et respectés.

Notre droit pénal a subi ces dernières années de profondes réformes. Il a aussi été victime d’attaques frontales, d’aucuns stigmatisant un supposé laxisme des juges ou appelant à supprimer le juge d’instruction, sans garanties pour le justiciable. Je n’oublie pas non plus la question fondamentale de l’accès à la justice, garante de la légitimité de l’État de droit pour les citoyens.

Ces attaques, implicites ou directes, ont eu pour conséquence de remettre en cause le lien de confiance tacite, mais indispensable dans un État de droit, qui doit unir les magistrats au peuple souverain, au nom duquel ils rendent la justice. N’oublions pas, comme l’écrivait Anatole France, que « la majesté de la justice réside tout entière dans chaque sentence rendue par le juge au nom du peuple souverain ».

Or nous avons assisté, au cours de la dernière décennie, à un glissement subreptice d’une politique pénale fondée sur un difficile équilibre entre prévention et répression vers une politique globalement répressive fondée sur l’illusion dangereuse que la sanction et la peur qu’elle suscite suffiraient à lutter efficacement contre la délinquance. Cette tendance, nous l’avons vigoureusement combattue, au nom des valeurs que les membres de notre groupe ne cessent de défendre : la liberté, la dignité, l’égalité, mais aussi la fermeté contre la violation de la loi. En tout état de cause, nul ne peut nous accuser d’avoir versé dans l’angélisme, car nous sommes attachés à l’application de la loi de la République. « La justice sans la force est impuissante », disait Pascal.

La politique que nous avons refusée, c’est celle des peines plancher, celle de la rétention et de la surveillance de sûreté, celle qui a aligné peu à peu la justice pénale des mineurs sur celle des majeurs, celle qui a été tentée de détecter les délinquants potentiels dès l’âge de trois ans, celle, encore, qui a voulu déchoir de la nationalité française les auteurs de certains crimes, celle, enfin, qui a instauré des jurys citoyens en matière correctionnelle pour affaiblir encore davantage le poids des juges professionnels. C’est aussi celle du tout-carcéral, où l’on préfère construire des établissements pénitentiaires toujours plus grands, toujours plus modernes, mais, finalement, toujours plus déshumanisés.

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