Intervention de Charles Guené

Réunion du 6 février 2014 à 10h00
Débat sur l'évolution des péréquations communale intercommunale et départementale

Photo de Charles GuenéCharles Guené :

Je dirai simplement que le potentiel fiscal servant à la déterminer est curieusement corrigé de l’effet de la réforme de la taxe professionnelle, ce qui ne manque pas d’interpeller. Cette précision suffit à souligner la complexité du système mis en place !

Je n’évoquerai que brièvement le quatrième fonds, le fonds de solidarité des départements de la région d’Île-de-France, ou FSDRIF. Il a été fixé à 60 millions d’euros et concerne les huit départements d’Île-de-France. Il est fondé sur le potentiel financier, le revenu par habitant, la proportion d’allocataires du RSA et celle de bénéficiaires des aides personnalisées au logement. Alimenté par les départements dont l’indice est supérieur à 95 % du niveau médian, le prélèvement ne peut dépasser 10 % des recettes de fonctionnement. En outre, un département ne peut pas contribuer à plus de 50 %. En pratique, ce plafond joue pour les Hauts-de-Seine et le fonds est essentiellement destiné à la Seine-Saint-Denis.

Rassurez-vous, mes chers collègues, j’ai achevé l’explication de cette belle mécanique péréquative. Encore ai-je volontairement omis quelques détails… §

Je terminerai par quelques considérations prospectives.

Malgré la complexité du dispositif, gardons-nous de « jeter le bébé avec l’eau du bain ». A contrario, il faut porter au crédit des dispositions mises en place le fait qu’elles répondent aujourd’hui, pour une large part, à une situation d’urgence due à la crise économique que nous subissons et aux mesures contributives imposées par l’effort d’économie demandé aux collectivités.

Penser que ces dispositions ne sont que la résultante de la réforme de la taxe professionnelle serait faire preuve de courte vue. En réalité, notre système fiscal local est à bout de souffle. §Il atteint aujourd’hui les limites du supportable, face à une mutation qui s’achève. Tous les chercheurs et les praticiens qui se penchent lucidement sur lui en conviennent, et les parlementaires que nous sommes seraient bien inspirés de prendre la mesure de la situation. Encore faut-il poser correctement les termes du débat.

Force est de constater que, depuis trente ans, nous avons évolué vers un système de dotations, alors que l’illusion d’une autonomie fiscale, issue d’une autre époque, s’est insinuée avec la libéralisation de l’emprunt local.

En réalité, nous sommes entrés progressivement dans un système opaque de globalisation des subventions. Conjuguée à la dette engendrée par un déficit budgétaire récurrent devenu insupportable, la crise économique a mis au jour la nécessité d’un premier choc, celui de la réforme constitutionnelle de 2003.

Le besoin de redéfinir l’autonomie financière est né de l’ambiguïté d’un système devenu la juxtaposition de ressources après que les « quatre vieilles » eurent été vidées de leur substance au fil des dégrèvements et des exonérations. La suppression de la part « salaires » est ensuite venue condamner définitivement la taxe professionnelle. Cette réforme a imposé la spécialisation fiscale par niveau.

Dès lors, nous voyons bien qu’il convient d’asseoir l’établissement d’une fiscalité partagée entre l’État et les collectivités en adoptant une gestion systémique. Les impôts locaux classiques doivent être, pour l’essentiel, remplacés par des impôts nationaux évoluant en fonction de la croissance réelle et corrigés, bien sûr, par la nécessaire péréquation entre des territoires qui ne maîtrisent plus ni leur destin ni les croissances asymétriques qui se sont fait jour. La recherche des bons critères sera la clef de voûte de cette entreprise.

Une telle révolution ne peut se concevoir qu’à deux conditions.

La première, c’est que les uns, abandonnant leur approche trop centralisatrice, cessent de considérer les collectivités comme une variable d’ajustement, que les autres, délaissant une autonomie béate relevant d’un Moyen Âge fiscal, prennent la mesure des défis internationaux qui nous attendent, et que tous enfin s’accordent sur une gouvernance systémique de concertation et de décision. Il s’agit de refonder la gestion financière publique locale et nationale, ce qui imposera d’approfondir la réflexion sur la qualité de la dépense.

La seconde condition, c’est qu’une telle réforme, qui devrait bien entendu conduire à asseoir pour chacun le préciput, qui serait affecté au remboursement de la dette, sur la part d’impôt qu’il recevrait, doit faire l’objet d’une disposition constitutionnelle, afin de garantir la pérennité du système, même si, comme le dit le professeur Hertzog « l’autonomie ne désigne pas un état, mais plutôt un moment transitoire, caractérisé par ses insuffisances et une imperfection dont le dépassement attendu fera basculer dans un état stable, aux traits mieux affirmés, et promis à la permanence, l’indépendance ou souveraineté par exemple ». Je partage cette idée avec d’autres. Pour l’heure, un tel objectif peut sembler contraignant, mais il est rassurant dans le temps !

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