Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, dite loi « Perben II », a été adoptée par le Parlement voilà maintenant plus d'un an.
Cette loi a apporté beaucoup d'évolutions nécessaires pour adapter notre système pénal et répondre avec efficacité aux nouvelles formes et au développement de la criminalité.
Le législateur a été ambitieux dans la mesure où il a saisi cette occasion pour revoir profondément nos codes pénal et de procédure pénale afin de traiter différentes questions qui se posaient à notre système judiciaire pénal. Je pense, notamment, à la lutte contre les incendies volontaires ou à la création du fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles, deux dispositifs adoptés sur l'initiative de notre assemblée.
Evidemment, comme toute réforme d'envergure, cette loi s'est vue accompagnée de son cortège de critiques sur bon nombre de ses innovations.
Il en fut ainsi, par exemple, pour le fichier des délinquants sexuels, que je viens d'évoquer, mais également -c'est le sujet qui nous occupe ce matin - pour la nouvelle procédure de comparution avec reconnaissance préalable de culpabilité.
En adoptant cette nouvelle procédure, le Parlement avait un objectif simple, qu'il convient de rappeler : apporter une réponse pénale rapide à la petite délinquance - celle qui agresse le quotidien de nos concitoyens - en diminuant les délais de jugement, en désengorgeant les tribunaux correctionnels, tout en garantissant les droits de la défense et en favorisant le prononcé de peines adaptées et acceptées.
Le dispositif est simple. Il permet au procureur de la République de proposer une peine à une personne majeure qui reconnaît sa culpabilité pour un délit puni d'une peine de cinq ans d'emprisonnement au plus.
La personne est assistée d'un avocat, la peine proposée ne peut être supérieure à un an et elle doit être au maximum fixée à la moitié de la peine encourue.
Nous avons tout entendu des détracteurs de cette procédure dite de « plaider-coupable » : qu'elle renforcerait le rôle du parquet au point de déséquilibrer notre système judiciaire fondé sur le mode inquisitoire, qu'elle porterait atteinte aux droits de la défense - c'est tout le contraire ! -, ou qu'elle serait tout simplement contraire à la Constitution.
Nous sommes bien loin aujourd'hui de ce schéma. Qu'en est-il réellement, moins d'un an seulement après l'entrée en vigueur de la loi ?
Mon propos n'est pas d'établir ici un bilan détaillé des premiers mois d'exécution de ce dispositif. Celui-ci sera fait en temps et en heure, dans le cadre de la mission d'information de la commission des lois sur les procédures accélérées de jugement en matière pénale, dont François Zocchetto est rapporteur et que j'ai l'honneur de présider.
Bien qu'elle ne soit entrée en vigueur que le 1er octobre dernier et que nous ne disposions pas de chiffres définitifs pour la première année d'application, il peut toutefois être constaté que la CRPC est un succès. En effet, après huit mois, 147 TGI l'ont utilisée dans plus de 10 000 affaires, avec un taux d'homologation supérieur à 80 %. Encore faut-il préciser que le taux d'homologation progresse depuis le début, pour se rapprocher à présent des 90 % !
Plus efficace que la procédure de comparution immédiate, la CRPC est également plus protectrice, en particulier pour le prévenu, car elle repose sur un accord inédit entre le parquet, les magistrats du siège et les représentants de la défense.
En ce sens, elle révèle une évolution des mentalités des professions judiciaires, qui, plutôt que l'affrontement théorique en audience, cherchent à présent le consensus. De surcroît, l'acceptation de la peine par l'auteur de l'infraction a sur lui un aspect pédagogique, puisqu'il est invité à réfléchir sur sa responsabilité. De plus, l'exécution de la peine est grandement facilitée par son acceptation.
Les premières statistiques fourniront de plus amples précisions sur la montée en puissance de cette procédure et sa capacité à désengorger les tribunaux correctionnels.
Si notre propos d'aujourd'hui n'est pas de dresser un bilan général de la CRPC, il convient toutefois de se pencher sur un problème spécifique qui s'offre au législateur. C'est l'objet de la proposition de loi que j'ai pris l'initiative de déposer.
Il s'agit de régler le point très précis et limité de la présence du parquet lors de l'audience d'homologation de la peine. En effet, lorsque les parties parviennent à un accord sur la peine, ce qui est le cas dans plus de 80 % des affaires, celle-ci doit ensuite être homologuée par le président du tribunal de grande instance, ou par un magistrat délégué, qui le fait après avoir entendu la personne et son avocat.
Contrairement au texte issu de la commission mixte paritaire, le Conseil constitutionnel, dans une décision du 2 mars 2004, a notamment estimé que, pour des raisons d'exemplarité de la peine, la décision devait être lue en audience publique.
Pour bien comprendre l'enjeu du débat, il convient de bien analyser en quoi consiste précisément l'audience d'homologation.
Selon l'article 495-9 du code de procédure pénale, le président du tribunal de grande instance, ou son délégataire, vérifie la réalité des faits et leur qualification juridique. Il est en outre précisé que le président entend la personne et son avocat. En revanche, il n'est nullement indiqué - et pour cause - qu'il entend le procureur de la République.
Il n'y donc pas de débat sur l'action publique, mes chers collègues. Au cours de cette audience, il s'agit en réalité de s'assurer de la sincérité et du libre consentement du prévenu.