Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des lois a souhaité se saisir pour avis de ce projet de loi en raison de ses compétences en matière de droit commercial et de droit administratif.
Nous avons ainsi examiné une vingtaine d’articles concernant le statut des baux commerciaux, le statut juridique des entreprises et les relations entre commerçants et personnes publiques, selon l’approche de rigueur juridique qui est la nôtre, bien connue de la commission des affaires économiques…
Notre commission s’est d’abord intéressée à la réforme des baux commerciaux.
Je tiens tout d’abord à saluer le travail approfondi réalisé par la commission des affaires économiques sur cette question. Elle a apporté, sur l’initiative de notre collègue Yannick Vaugrenard, un certain nombre de modifications bienvenues, que nous approuvons pleinement. Je pense en particulier à l’article 1er, relatif au bail commercial dérogatoire : le projet de loi prévoyait des modifications qui bouleversaient trop les règles de sortie de bail ; ces modifications ont été heureusement retranchées du texte.
La commission des lois propose donc au Sénat quelques modifications complémentaires, qui ne remettent pas en cause le nouvel équilibre entre bailleur et locataire formulé par le projet de loi, mais visent à clarifier ou à préciser certains dispositifs, ainsi qu’à en conforter la sécurité juridique.
L’objectif est d’éviter de faire naître de nouveaux contentieux, dans l’intérêt commun du bailleur et du locataire, et dans le respect des règles et des pratiques existantes, lorsque celles-ci font l’objet d’un relatif consensus parmi les acteurs concernés.
Je rappelle que toute la difficulté de la réforme des baux commerciaux réside dans le fait qu’il s’agit d’un outil juridique unique destiné à régir des situations très diverses, et donc des intérêts très variés. Qu’y a-t-il en effet de commun entre un bail conclu entre un commerçant retraité propriétaire d’un local commercial en pied d’immeuble d’habitation et un petit commerçant en centre-ville, un bail conclu entre un gestionnaire de centre commercial et une chaîne nationale de magasins, et un bail conclu entre une grande société foncière et une société multinationale pour la location d’une tour de bureaux ?
La commission des lois propose, en particulier, de clarifier les modalités d’application des nouvelles règles d’indexation des loyers des baux commerciaux sur l’indice des loyers commerciaux ou l’indice des loyers des activités tertiaires, afin que tous les types de locaux soient bien couverts, mais aussi de préciser les conditions d’établissement de l’état des lieux ou les obligations d’information du bailleur en matière de charges locatives. Je n’entre pas davantage dans le détail ; nous y reviendrons lors de la discussion des amendements.
J’en viens au deuxième sujet qui a retenu l’attention de la commission des lois : les dispositions relatives au statut juridique des entreprises, en l’espèce des très petites entreprises.
Outre la réforme du régime de l’auto-entrepreneur, que je tiens à saluer, même si elle n’entre pas dans le champ de l’avis de la commission des lois, car il s’agit d’un régime fiscal et social et non d’un régime juridique, le texte tend à apporter plusieurs simplifications bienvenues au statut de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée, créé par un texte que la commission des lois avait examiné en 2010.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce statut est loin d’avoir rencontré le succès escompté. Alors que le Gouvernement envisageait, en 2010, que l’on compte 100 000 entrepreneurs individuels à responsabilité limitée à la fin de l’année 2012, on recensait seulement 17 896 EIRL inscrits aux différents registres au 31 août 2013, chiffre à rapporter à un total de près de 1, 8 million d’entrepreneurs individuels.
Notre collègue Antoine Lefèvre a d’ailleurs procédé à une analyse assez approfondie des causes de ce relatif échec dans le cadre de l’avis qu’il a rédigé, au nom de la commission des lois, sur les crédits affectés au développement des entreprises dans le projet de loi de finances pour 2014. Il a relevé que la complexité du dispositif était indissociable de la protection juridique qu’elle offre à son bénéficiaire, ajoutant à juste titre que « si l’on veut préserver les droits des créanciers, ce qui constitue une exigence constitutionnelle liée au droit de propriété, les perspectives d’amélioration et de simplification du régime de l’EIRL restent modestes ».
Le projet de loi reprend cependant plusieurs de ses préconisations, qu’il s’agisse des allégements comptables, qui participent d’un mouvement général de simplification, ou de la mise en place d’une procédure de transfert. À cet égard, je présenterai quelques amendements de précision.
La troisième série de dispositions que nous avons examinées pour avis porte sur les relations entre commerçants et personnes publiques.
Les personnes publiques peuvent intervenir par le biais de leurs prérogatives de puissance publique pour maintenir ou soutenir des activités commerciales sur leur territoire ou à travers leur domaine public sur lequel s’exercent des activités commerciales.
La commission des lois a approuvé l’extension aux établissements publics de coopération intercommunale du droit de préemption des locaux commerciaux, réservé actuellement aux communes.
En revanche, nous proposerons de supprimer la disposition selon laquelle l’attribution d’une subvention à une société commerciale peut avoir pour contrepartie une restriction de la distribution des dividendes, car elle nous semble manifestement contraire à la jurisprudence constitutionnelle en matière de droit de propriété et de liberté d’entreprendre, d’autant qu’elle ne repose sur aucun motif d’intérêt général.
Par ailleurs, la commission des lois a approuvé globalement les modifications visant à faciliter les conditions d’utilisation du domaine public à des fins d’activité commerciale : droit pour un commerçant de présenter un successeur dans une halle ou un marché communal et possibilité de solliciter, en prévision de l’acquisition d’un fonds de commerce, une autorisation d’occupation du domaine public.
Par contre, la commission des lois s’est montrée plus circonspecte sur la transmission automatique aux héritiers d’un commerçant décédé d’un droit d’occupation du domaine public pour poursuivre l’exploitation du fonds. Je présenterai un amendement visant, tout en conservant l’esprit de la disposition, à la rendre plus conforme à la protection constitutionnelle dont bénéficient les propriétés publiques.
La commission des lois a adopté également un amendement tendant à clarifier l’innovation juridique, introduite par l’Assemblée nationale sur l’initiative du Gouvernement, consistant à permettre de constituer un fonds de commerce sur le domaine public. Les débats sur ce point en commission des lois ont été animés. L’examen de l’article 30 ter nous permettra de revenir sur cette question, aux enjeux pratiques sans doute limités, mais à la portée juridique indéniable.
Enfin, la commission des lois propose d’assurer quelques coordinations avec des textes qu’elle a examinés au fond : la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence dans la vie publique, d’une part, et le projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes, en cours de navette, d’autre part.
Sous réserve de l’adoption de ses amendements, la commission des lois a donc émis un avis favorable sur les dispositions qu’elle a examinées.