Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, sans vouloir être trop long, puisque l’essentiel a déjà été dit, je me permettrai, en tant que représentant d’un département pour qui le sport d’hiver représente, dans le secteur du tourisme, plus de 50 % du PIB de son économie, d’ajouter quelques mots à la discussion.
Le Sénat est saisi d’une proposition de loi dont l’identité des projets présentés et le consensus trouvé dans les deux assemblées montrent la particularité, mais aussi la dimension. De fait, ce texte ne doit pas être réduit à ses aspects techniques.
Cette proposition de loi dite « disposition de réduction d’activité des moniteurs de ski » se trouve en réalité au cœur d’une économie, d’une profession et d’un environnement social singuliers, dont la modernité mérite une attention particulière.
Au plan économique, il convient tout d'abord de rappeler la position de leader mondial qu’occupe la France, devant les États-Unis, avec environ 58 millions de journées de ski en 2013 et, cela a été souligné, 7 millions de skieurs, dont 2 millions d’étrangers, avec une activité encore en progression par rapport à 2012.
Cette activité concerne plus de 350 stations de sport d’hiver et 120 000 emplois, avec un secteur industriel, je me permets de le souligner, largement exportateur de nos technologies et savoir-faire.
C’est donc dans cette économie singulière, puisqu’elle est éminemment saisonnière, que l’activité des moniteurs de ski a pris sa place, avec une organisation dont l’exigence et le professionnalisme se sont rapidement imposés.
Le nom d’Émile Allais a été évoqué à l’instant. C’est effectivement lui qui, en tant que médaillé olympique, a fondé en 1937 la première école de ski. Celle-ci a posé la méthode d’un enseignement français, qui s’est imposé rapidement et a été reconnu pour son excellence et sa rigueur, mais aussi pour son organisation originale : les fameux « pulls rouges » de l’école de ski français.
Il faut également souligner le nombre important de moniteurs de ski, qui s’élève aujourd’hui à 19 000 professionnels exerçant à 90 % dans les écoles de ski français, connues de tous sous l’appellation « ESF ». La profession s’est organisée rapidement au sein d’un puissant Syndicat national des moniteurs du ski français, ou SNMSF, présidé par Gilles Chabert, présent aujourd'hui dans nos tribunes.
L’équation entre école de ski et syndicat des moniteurs de ski est le socle d’une activité exercée à titre de profession libérale par des personnes disposant du très convoité et exigeant diplôme d’État de moniteur de ski.
La profession de moniteur de ski est donc une profession libérale, relevant du régime des travailleurs indépendants, dont l’école de ski assure le lien, le portage et l’organisation de l’activité, avec la clientèle du domaine skiable.
On peut considérer qu’il était naturel pour le syndicat des moniteurs de ski de se saisir très tôt de la gestion des ressources humaines de ses professionnels, au regard du renouvellement de la sortie d’activité et de la nécessité de répondre à un marché en progression, mais aussi face au développement de pratiques imposant des capacités physiques de haut niveau.
C’est donc pour répondre à cette double préoccupation – exigences d’un marché et solidarité entre moniteurs seniors et moniteurs juniors – qu’un principe original a été élaboré, celui du pacte intergénérationnel.
Cette solidarité intergénérationnelle a conduit à poser, dès 1963, une réduction et un aménagement d’activités selon l’âge : 55, 58 et 61 ans.
Selon le principe posé, les moniteurs avaient un statut de permanent à 55 ans, qu’ils perdaient ensuite pour servir en renfort durant les vacances scolaires. En 1996, cette limite est repoussée à 58 ans, et à 61 ans en 2007. Ce principe a été adopté à chaque fois très massivement par le Congrès national des moniteurs de ski.
En fait, même si cela a fait l’objet d’actions limitées, cette prise en compte de l’âge s’est trouvée contestée et remise en cause au regard du principe de discrimination par rapport à l’âge posé par la HALDE et par la loi de 2008, elle-même transposition d’une directive européenne du 27 novembre 2000.
Le tribunal administratif devait d’ailleurs consacrer cette lecture en déclarant illicite le dispositif adopté en 2007. Face à cette décision, le SNMSF convoquait de nouveau un Congrès national pour prendre en compte les griefs formulés.
Le pacte intergénérationnel de 2012, élaboré avec le Défenseur des droits, qui a voulu prendre en compte les observations relatives à la discrimination pour se trouver en conformité à ces principes, s’est trouvé, malgré tout, confronté à un nouveau contentieux. Cette proposition de loi cherche donc à mettre un terme à l’incertitude d’un pacte qui, comme il convient de le souligner, a tenu à prendre en compte également la nécessaire garantie des droits des moniteurs de ski au regard de leur régime de retraite, un point qui a été largement développé par le précédent orateur.
En effet, au-delà de l’adaptation d’une sortie progressive d’activité en fin de carrière, le dispositif s’efforce de répondre à une autre préoccupation : permettre aux moniteurs de ski qui ne disposent pas des trimestres suffisants de leur régime de retraite de base d’y pourvoir.
C’est pour ces raisons que le groupe auquel j’appartiens apportera son soutien à cette proposition de loi, qui entend conforter à un dispositif adopté à plusieurs reprises par le Syndicat national des moniteurs du ski français en lui donnant une base législative.