Intervention de Laurent Béteille

Réunion du 12 novembre 2007 à 9h00
Polynésie française — Discussion d'un projet de loi organique et d'un projet de loi déclarés d'urgence

Photo de Laurent BéteilleLaurent Béteille :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la loi organique du 27 février 2004 a fait de la Polynésie française la première collectivité d'outre-mer dotée de l'autonomie en application de l'article 74 de la Constitution issu de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003.

Elle a doté cette collectivité d'outre-mer d'institutions et de compétences tenant compte de ses intérêts propres, de ses spécificités géographiques et de l'identité de sa population.

Elle a attribué aux autorités locales une compétence générale pour le développement économique, social et culturel du territoire.

Cette très large autonomie, à laquelle nous tenons tous, doit, toutefois, s'exercer au sein de la République, ce qui implique le respect des principes fondamentaux de nos institutions.

Comme l'indiquait le Président de la République, alors candidat à l'élection présidentielle, dans sa lettre aux Polynésiens du 24 mars 2007, « l'autonomie [...] doit [...] être encore améliorée et perfectionnée pour que chacun, la Polynésie française comme l'État, assure au mieux ses compétences ».

Cette autonomie doit effectivement être améliorée, car, vous le savez, la Polynésie française souffre aujourd'hui, de manière récurrente, d'une forte instabilité institutionnelle et politique, qui est préjudiciable à son développement économique et social.

Depuis 2004, cinq présidents se sont en effet succédé, dont quatre après l'adoption de motions de censure.

Cette instabilité politique développe évidemment un climat de défiance chez les habitants de la Polynésie française. Elle ne permet pas de mettre en oeuvre les politiques économiques et sociales dont la Polynésie a pourtant besoin. Elle porte, enfin, atteinte à l'autonomie même de la Polynésie, car les conditions d'une bonne gouvernance ne peuvent pas être remplies.

La Cour des comptes, dans son rapport public de 2006, a, par ailleurs, émis de sérieuses critiques sur l'opacité de la gestion due à « l'extrême concentration du pouvoir au sein de la collectivité et [à] l'imparfaite définition des procédures relatives à l'engagement de la dépense publique ».

La nécessité d'une moralisation de la vie politique, d'une plus grande transparence financière et d'un rééquilibre des pouvoirs s'impose donc.

Comme vous le souligniez, monsieur le secrétaire d'État, « il ne peut y avoir de progrès économique et social sans une autonomie efficace [...] ; il ne peut y avoir une autonomie efficace, sans stabilité et transparence politiques ».

Le Président de la République a, d'ailleurs, affiché clairement son attachement à la stabilité politique de la Polynésie et à l'affirmation de sa démocratie.

C'est pourquoi le projet de loi organique et le projet de loi ordinaire qui nous sont aujourd'hui soumis modifient et complètent le statut de l'autonomie défini en 2004, afin d'améliorer le fonctionnement des institutions de la Polynésie française.

Monsieur le secrétaire d'État, vous réaffirmiez à juste titre et avec force, en octobre dernier, devant le haut-commissaire de la République en Polynésie, que « la Polynésie française n'a plus de temps à perdre. Avec un gouvernement issu des urnes, l'État établira un partenariat loyal, pour construire, sur des bases solides, un développement respectueux de l'identité polynésienne, équitable et équilibré ». Le groupe UMP partage votre conviction. Il est, en effet, urgent de compléter et d'améliorer le statut de 2004, et de prévoir un renouvellement anticipé de l'assemblée de la Polynésie française.

C'est parce que tous les responsables politiques, économiques et sociaux l'ont demandé ou admis que l'État intervient et qu'il accepte le principe d'un retour anticipé aux urnes.

Pour cette raison, le groupe UMP adoptera l'article 20 du projet de loi organique, qui prévoit le renouvellement anticipé de l'assemblée de la Polynésie française au mois de janvier 2008.

Les deux projets de loi que vous nous présentez, monsieur le secrétaire d'État, doivent beaucoup à votre sens du dialogue et de l'écoute. Vous avez, en effet, procédé à une très large consultation des forces politiques concernées par la situation de la Polynésie française, tant au plan local qu'au niveau national.

Le projet de loi organique a fait l'objet d'une discussion directe et franche avec l'ensemble des forces vives de la Polynésie, abordant l'ensemble des sujets sans tabous.

Nous nous félicitons de la démarche retenue, qui témoigne de votre souci constant d'être à l'écoute des Polynésiens et des Polynésiennes. Nous nous en réjouissons, car elle démontre la capacité de notre État à exercer son rôle de garant et de régulateur des institutions tout en respectant l'autonomie de la Polynésie.

Ces deux projets de loi visent trois objectifs à la fois nécessaires et légitimes : l'amélioration de la stabilité des institutions, l'augmentation de la transparence de la vie politique et le renforcement des contrôles juridictionnels, financiers et budgétaires.

Plusieurs mesures novatrices sont proposées afin de conforter la stabilité gouvernementale et de favoriser l'émergence d'une majorité stable au sein de l'assemblée de la Polynésie française.

Premièrement, le mode d'élection du président de la Polynésie française par l'assemblée est clarifié, puisqu'il est procédé à un troisième tour de scrutin à la majorité relative si, après deux premiers tours, aucun candidat n'obtient la majorité absolue des membres de l'assemblée.

Deuxièmement, un nouveau mode de scrutin est également instauré, pour l'élection des représentants à l'assemblée de la Polynésie française. Un second tour de scrutin est, en effet, prévu, afin de donner aux électeurs la possibilité de s'exprimer sur le choix des alliances entre les partis politiques.

Cette réforme est nécessaire, car elle vise à garantir l'avenir de la Polynésie, à promouvoir une représentation juste de tous ses territoires et à assurer la formation d'une majorité stable au sein de l'assemblée de la Polynésie française.

Troisièmement, la mise en cause de la responsabilité de l'exécutif passera désormais par le vote à la majorité absolue d'une motion de défiance constructive, dont l'adoption, en même temps qu'elle met fin au gouvernement en place, conduit à déclarer élu un nouveau président.

Il s'agit là d'une disposition particulièrement importante, qui permettra indéniablement de remédier aux situations de blocage politique que nous avons connues. En effet, si la procédure actuelle permet le renversement du gouvernement en place, elle ne garantit toutefois pas que lui soit substitué un gouvernement soutenu par une majorité stable. Cette mesure permettra donc de mieux garantir la stabilité gouvernementale et le groupe UMP du Sénat la soutient.

Quatrièmement, le texte prévoit l'inscription, dans le statut de l'autonomie de 2004, d'un dispositif permettant au président de la Polynésie française, en cas de rejet du projet de budget initial, de déposer un nouveau projet qui serait considéré comme adopté à moins que l'assemblée ne vote, à la majorité absolue de ses membres, une motion de renvoi comportant elle-même un projet de budget et désignant un nouveau président.

La commission des lois a adopté un amendement de suppression de cette procédure, appelée également « 49-3 budgétaire ».

Certes, comme l'a souligné notre rapporteur et ami Christian Cointat, cette procédure peut paraître à bien des égards complexe. Pour autant, serait-il raisonnable de s'affranchir de ce dispositif qui peut permettre de résoudre des situations de crise et de blocage lors de l'adoption d'un budget ?

Cette procédure, qui reprend celle qui a été mise en place pour les régions par la loi du 19 janvier 1999, a fait ses preuves et mérite d'être conservée. Elle peut se révéler, en effet, particulièrement efficace.

De nouveaux outils sont également instaurés afin de garantir une plus grande transparence de la vie politique, et nous les approuvons.

Ainsi, le régime des inéligibilités et des incompatibilités applicable au président et aux membres de l'assemblée et du gouvernement est-il rendu plus contraignant.

L'attribution d'aides financières ou de garanties d'emprunt aux sociétés d'économie mixte est, par ailleurs, encadrée.

Le groupe UMP du Sénat soutient l'ensemble de ces mesures, notamment celles qui tendent à associer étroitement, dans un souci de transparence, le conseil des ministres et l'assemblée sur les décisions relatives à l'attribution des aides financières.

Enfin, les modalités d'exercice des contrôles juridictionnels, financiers et budgétaires sont renforcées par l'application de dispositions faisant partie du droit commun des collectivités territoriales de la République.

Ces mesures vont également dans le bon sens, car elles garantissent une meilleure gestion des fonds publics en Polynésie française, conformément aux recommandations formulées par la Cour des comptes dans son rapport de 2006.

Le projet de loi organique que vous nous proposez, monsieur le secrétaire d'État, est un bon projet et nous ne pouvons qu'y adhérer tant il améliore le statut de 2004. En assurant un nouvel équilibre des pouvoirs, ce texte permet de conforter le gouvernement et l'assemblée de la Polynésie française dans l'exercice de leurs compétences.

Au vu de ces quelques observations, les membres de mon groupe et moi-même voterons ces deux projets de loi qui, loin de contrarier l'autonomie statutaire de la Polynésie Française, ne font que renforcer son efficacité.

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