Malheureusement, ils seront des héros ailleurs !
Pour répondre à Mme Benbassa, le fait de vouloir prendre de mesures répressives pour empêcher les départs, pour réprimer l'association de personnes via internet pour commettre des actes criminels, ne signifie pas que le plan que nous proposons est uniquement répressif. Ce plan est global et repose sur 5 axes.
Le premier axe est de prévenir et empêcher les départs, ce qui implique d'inscrire des personnes dont nous savons par le travail de renseignement qu'elles sont susceptibles de de s'engager dans des troupes djihadistes dans le fichier des personne recherchées ou le système d'information Schengen. Ces personnes peuvent également faire l'objet de retrait de passeport, d'une opposition de sortie du territoire, en cas de signalement des parents, si ce sont des mineurs ou encore, sans porter atteinte à leur liberté, d'entretiens administratifs pour assurer un suivi le plus fin possible de ces ressortissants qui pourraient représenter une menace.
Le deuxième axe est le démantèlement des filières, ce qui implique de continuer à prendre des mesures d'expulsion contre les étrangers ayant pris part à des entreprises terroristes, à geler sur le plan administratif et de manière préventive les avoirs des filières terroristes, à prononcer la déchéance de nationalité dans des conditions restrictives prévues par la loi pour des ressortissants qui peuvent porter atteinte à la sécurité nationale. C'est aussi la prévention en liaison avec l'administration pénitentiaire, les services de renseignement, les représentants du culte musulman et des formations d'imams pour lutter contre la radicalisation en milieu carcéral avec un suivi psychologique et éducatif sur des détenus qui pourraient basculer, faute de ce suivi. Cet axe implique aussi de généraliser le régime juridique de l'enquête sous pseudonyme, de faciliter l'exploitation du renseignement par l'allongement de la durée de conservation de certaines données, notamment d'interception de sécurité.
Le troisième axe consiste à soutenir et orienter les familles. C'est l'objet du numéro vert mais aussi du réseau d'orientation et de soutien déconcentré, piloté par le préfet et le procureur. Autour d'eux, dans le respect de la confidentialité, je souhaite que les services de l'éducation nationale et des collectivités territoriales puissent agir ensemble lorsque des signes de décrochage ou de risque de basculement apparaissent.
Quatrième axe : communiquer, sensibiliser et former. Ceci recouvre des projets expérimentaux en vue d'actions de contre-propagande, l'implication les autorités religieuses en vue d'élaborer un contre-discours, sensibiliser les familles, les éducateurs, les travailleurs sociaux aux signes de la radicalisation, la création d'une cellule nationale interministérielle d'appui, le renforcement de la coopération internationale. Tous les pays de l'Union européenne sont confrontés aux mêmes contraintes de départs et de suivi. Il faut travailler ensemble pour faire face à ces mêmes difficultés.
Vous constatez l'approche répressive, qui relève particulièrement du ministère de l'intérieur, mais il y a aussi le volet éducatif qui associe d'autres ministères : l'approche est globale.
Je veux vous dire que zéro précaution face à un tel phénomène aboutit à 100 % de risque potentiel mais 100 % de précaution, ce n'est pas le risque zéro. Nous ne sommes jamais à l'abri de l'arrivée subite d'un ressortissant étranger comme Nemmouche en Belgique.
S'agissant de la situation humanitaire évoquée par M. Leconte, je vous confirme que des jeunes basculent en raison d'images diffusées sur le net par des groupes terroristes. Une fois qu'ils ont basculé pour des raisons initialement humanitaires, ils s'engagent dans des actions qui n'ont rien à voir avec des actes que l'humanité dicterait. Selon les témoignages recueillis, ils ne fréquentent pas l'action humanitaire mais la violence dans sa forme la plus brutale jusqu'au meurtre et à la décapitation. Cette tromperie est consubstantielle à l'endoctrinement. J'ai vu ces vidéos diffusées sur internet conduisant à des endoctrinements pour des motifs apparents « humanitaires » : c'est une propagande qui instrumentalise une situation humanitaire à des fins de basculement vers la violence brutale sans détour.
En matière de délits sur internet, la technique peut mettre en échec la loi pour la régulation, comme le soulignait M. Leconte. Cependant, cet espace de liberté qu'est internet ne peut être un espace où tout est permis, y compris l'expression de la haine, et ce, en dépit du premier amendement auquel se réfèrent souvent les Américains. La liberté ne peut justifier la présence sur internet de blogs, de tweets, de vidéos, de sites qui forment un vecteur de haine. Ce combat doit être mené à l'échelle européenne en lien avec les Américains pour rappeler les fournisseurs d'accès à internet à leur responsabilité éthique, sous peine de voir toutes les règles républicaines être transgressées et mises à mal.
Vous évoquez la sécurisation de l'espace Schengen. C'est l'objet du Passenger name record (PNR) afin de rendre possible l'échange d'informations, dans le strict respect des libertés publiques, pour sécuriser nos aéroports, nos voies de circulations contre ceux qui présentent un risque pour notre sécurité.
Monsieur Collombat, le terrorisme n'est effectivement pas une nouveauté. Mais sa forme actuelle est inédite.