Cette dernière modification a eu des répercussions sur la collecte des données personnelles révélant l’appartenance politique des candidats et des élus. Cette question a suscité une vive émotion, dont les associations d’élus, au premier chef l’Association des maires ruraux de France et l’Association des maires de France, se sont fait l’écho. M. Jacques Pélissard, président de l’AMF, vous a d’ailleurs adressé un courrier sur ce sujet en mars dernier, monsieur le ministre.
La proposition de loi dont le Sénat est aujourd’hui saisi, déposée sur l’initiative de notre collègue Jean-Claude Carle, fait suite aux réactions qui se sont exprimées dans les communes comptant de 1 000 à 3 500 habitants lors du dépôt des candidatures, voici trois mois.
Jean-Claude Carle a parfaitement rappelé, dans son intervention, l’émoi, pour ne pas dire l’incompréhension, suscité par le fait que les services préfectoraux demandent aux candidats d’indiquer une nuance politique.
J’ai reçu une contribution écrite de l’Association des maires ruraux de France qui reproduit plusieurs témoignages spontanés ayant été adressés à cette association nationale. Certains élus y font état de leur « stupéfaction » devant les demandes de l’administration préfectorale, d’autres n’hésitent pas à considérer le comportement de l’administration comme « scandaleux, inadmissible, méprisable, révoltant ». Même si ces propos sont excessifs, ils révèlent un certain malaise, voire l’état d’esprit actuel des élus locaux.
Je vous livrerai maintenant le témoignage d’un candidat tête de liste qui considère tout simplement que, lorsqu’il a dû choisir, sur demande pressante de l’administration, une nuance politique pour sa liste, il a eu le sentiment de « trahir » ses colistiers, au regard des conditions dans lesquelles ils s’étaient tous engagés. Je n’ai nul besoin d’insister sur cet état des choses : nous avons tous été interpellés dans nos circonscriptions et vos services déconcentrés vous ont certainement fait remonter, monsieur le ministre, des appréciations du même ordre.
Pour éclairer le texte qui nous est soumis aujourd’hui, je rappellerai, comme je l’ai fait devant la commission, le droit actuel.
Les informations collectées à l’occasion des élections alimentent deux traitements de données gérés par le ministère de l’intérieur : l’un sur les candidats, l’autre sur les élus. Dans ce cadre, il convient de distinguer l’étiquette politique de la nuance politique.
En effet, le candidat choisit librement d’adopter ou non une étiquette politique ; son choix s’impose alors naturellement à l’administration. Un élu a d’ailleurs la faculté de modifier son étiquette politique au cours de son mandat, par exemple si son parti de rattachement disparaît ou s’il choisit d’adhérer à un autre parti.
Parallèlement à l’étiquette politique, l’administration attribue une nuance politique aux candidats puis aux élus, en fonction d’une nomenclature fixée par le ministère de l’intérieur et présentée au candidat lors du dépôt de candidature. Pour cela, elle se fonde sur plusieurs éléments que M. le ministre ne manquera pas de préciser. En tout état de cause, il n’existe pas de nuance « sans étiquette », mais seulement une rubrique « autres ». Cette rubrique forme une mosaïque impressionnante, qui regroupe, par exemple, les partis anti-fiscalistes – sympathiques au demeurant –, les partis religieux, les partis socioprofessionnels, les partis régionalistes, le parti pirate, et même le parti d’en rire !
L’exposé des motifs de la proposition de loi l’explique particulièrement bien : « il y a une différence fondamentale entre la plupart des listes des petites communes qui se définissent “sans étiquette” […] et des listes “divers” », car « les premières n’ont pas de sensibilité politique revendiquée », tandis que « les secondes en ont une, même si elle est marginale, voire originale pour certaines d’entre elles ». La commission des lois a totalement souscrit à ce constat.
Quelles sont les différentes situations possibles ?
Tout d’abord, dans les communes de moins de 1 000 habitants, les candidats ne font pas l’objet d’un « nuançage » et, parmi les élus, seul le maire se voit attribuer une nuance politique.
Pour les autres communes, un mandataire dépose la déclaration de candidature, assortie éventuellement d’une étiquette politique. L’administration opère ensuite son « nuançage politique » à partir des déclarations et des indices qu’elle peut recueillir. Les candidats découvrent alors, parfois dans la presse, la nuance politique qui leur a été attribuée. Cette nuance politique reste conservée au sein du fichier géré par le ministère de l’intérieur.
Cette situation crée des incompréhensions, voire des divisions internes à une même liste, quand des candidats découvrent qu’ils ont été affublés d’une nuance politique dans laquelle ils ne se retrouvent absolument pas. Tel est le cas, évidemment, des listes d’union communale que nous avons tous rencontrées dans nos départements, rassemblant des candidats de toutes tendances politiques, qui parfois ne connaissent même pas les préférences politiques de leurs colistiers. Dans les communes comptant entre 1 000 et 3 500 habitants, de tels cas sont légion.