Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce débat intervient quelques semaines après des élections municipales s’étant déroulées dans un contexte juridique assez nouveau, qui a provoqué un certain nombre de récriminations et un réel mécontentement, principalement dans nos communes rurales.
Heureusement, à quelques jours du scrutin, la partie réglementaire du code électoral a été modifiée pour ne pas imposer la présentation de la carte d’identité au moment du vote dans les petites communes rurales. C’était déjà un élément précieux pour éviter que l’accès au vote ne soit inutilement restreint, mais un certain nombre de dispositions nouvelles se sont appliquées, qui soulèvent de réelles questions. L’objet du texte dont nous discutons aujourd'hui n’est pas de les traiter toutes, mais je les mentionnerai tout de même.
L’obligation de déclaration de candidature dans les toutes petites communes nous prive de l’apport de conseillers municipaux qui n’osaient pas présenter spontanément leur candidature ; c’est une réduction de la liberté de choix de l’électeur.
L’interdiction du panachage dans les communes de 1 000 à 3 500 habitants n’est pas non plus une bonne mesure. Le vote bloqué crée de l’abstention et nuit à l’instauration d’un vrai dialogue démocratique. Si, comme vous nous l’avez rappelé, monsieur le ministre, plusieurs listes ont été présentées dans 59 % des communes de 1 000 à 3 500 habitants, cela signifie que, dans plus de 40 % d’entre elles, une seule liste bloquée a été déposée, et qu’il s’est donc alors agi d’un scrutin de pure et simple ratification. Peut-on s’étonner, dès lors, que les électeurs, dans ces communes, ne se précipitent pas aux urnes ? La démocratie locale a pourtant toujours été l’école du civisme dans notre pays.
Dans mon département, la Manche, par rapport au précédent scrutin municipal, moins de listes étaient présentées cette année dans 25 % des communes de 1 000 à 3 500 habitants et l’abstention a été supérieure ou égale dans les trois quarts des communes de cette strate. Par conséquent, si l’on regarde à la loupe les conditions de fonctionnement de la démocratie dans ces petites communes, on constate à la fois une diminution de la liberté de choix des électeurs et une augmentation de l’abstention.
Le sujet qui nous occupe aujourd'hui est celui des nuances politiques attribuées aux candidats par vos services, monsieur le ministre.
Comme l’a dit tout à l’heure M. Masson, il est vrai qu’une question de principe se pose pour toutes les communes, mais elle se pose plus fortement encore pour nos petites communes rurales. En effet, dans ces communes, même si le débat démocratique y est vivant, ainsi que vous l’avez souligné à juste titre, monsieur le ministre, c’est l’absence d’engagement partisan des candidats qui est la règle. Ce n’est nullement un aspect secondaire ou anecdotique, c’est le mode de fonctionnement même de la démocratie locale. Jusqu’où celle-ci doit-elle être irriguée par la vie partisane ? Vous nous avez dit tout à l’heure, monsieur le ministre, qu’il n’y a plus aucune raison de distinguer le cas des communes de 1 000 à 3 500 habitants de celui des communes dont la population excède ce seuil, puisque le même mode de scrutin s’applique désormais. Je vous réponds qu’il y en a une, qui relève non pas de la conviction ou de l’idéologie, mais de la réalité : le débat démocratique, dans les petites communes, ne repose pas principalement sur l’appartenance partisane. J’ajouterai qu’il n’est pas souhaitable qu’il en aille autrement, compte tenu de la nature des questions traitées à l’échelon de ces petites communes.
Je relève en outre que si la collecte et le traitement de ces données ont effectivement été autorisés par la Commission nationale de l’informatique et des libertés, le point de départ est tout de même le principe d’interdiction. En effet, l’interdiction de collecter et de traiter les données à caractère personnel faisant apparaître les opinions politiques est posée à l’article 8 de la loi relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, et si le paragraphe IV de cet article ne soumet pas à l’interdiction les traitements justifiés par l’intérêt public et autorisés par la CNIL, encore faut-il que la justification soit réelle et que l’autorisation soit donnée. C’est le cas en l’occurrence, mais je rappellerai que la CNIL n’est pas une instance constitutionnelle dont l’autorité serait supérieure à celle du Parlement : elle agit dans le cadre fixé par le législateur, si bien qu’il nous est tout à fait loisible de déterminer des conditions nouvelles d’exercice de son pouvoir d’autorisation par la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
Dès lors, tous les arguments opposés à la proposition de loi qui a été déposée par notre excellent collègue Jean-Claude Carle et que j’ai eu l’honneur de cosigner se trouvent récusés, qu’ils soient relatifs à l’absence de justification d’un traitement différencié selon la taille des communes ou à la nécessité d’un nuançage dont on peut postuler qu’il donne des résultats erronés, puisque la plupart des candidats n’ont précisément pas d’engagement partisan. Vouloir à toute force rattacher ceux-ci à un courant politique, à une famille politique, à un parti politique, c’est se donner une mission impossible.
Je rends hommage à la volonté de M. le ministre de nous tendre la main pour rechercher une solution de compromis, mais je trouve assez choquant de proposer que ces informations ne soient publiées qu’après les élections, pour qu’elles n’interfèrent pas avec le scrutin !