La présente proposition de loi prévoit de simplifier et de moderniser certaines dispositions du droit local. On ne peut que s’en féliciter ! Nous sommes tous, me semble-t-il, pour un droit local adapté au contexte économique et social actuel. Cependant, pour chaque modification, il est essentiel d’obtenir un consensus de toutes les parties concernées. Or je constate que ce n’est malheureusement pas le cas.
Le titre Ier, qui comprend les articles 1er, 2 et 3, tend à fixer de nouvelles modalités de financement des anciennes corporations obligatoires, en permettant aux chambres de métiers d’Alsace et de Moselle de financer les corporations et en autorisant ces dernières à percevoir des redevances pour services rendus.
L’organisation des métiers repose sur des chambres de métiers, des syndicats patronaux, mais aussi sur des corporations qui regroupent, par département ou par arrondissement, les artisans exerçant exactement le même métier. L’adhésion à certaines est facultative, mais obligatoire à d’autres.
C’est ce qui a conduit un artisan contraint de cotiser auprès de deux corporations différentes à saisir le Conseil constitutionnel. Celui-ci a estimé, dans sa décision du 30 novembre 2012, que la cotisation obligatoire était contraire à la liberté d’entreprendre.
Le texte que nous examinons met en place un nouveau dispositif de financement, reposant sur une participation facultative des chambres des métiers et sur un système de redevance pour services rendus. Or le Conseil constitutionnel interdit un financement qui ne serait pas volontaire.
Il est surprenant que la disposition proposée revienne à nier la décision du Conseil constitutionnel. Mme Pinel, alors ministre de l’artisanat, avait été interpellée sur ce sujet et avait souligné, le 10 mars 2014, premièrement, que « les dispositions de cette proposition de loi ne sauraient méconnaître celles de la Constitution, ainsi que les libertés qui en découlent, telles qu’elles sont protégées et encadrées par la jurisprudence du Conseil constitutionnel », deuxièmement, que « l’affectation d’une partie de la taxe pour frais de chambre de métiers au profit des corporations ne serait pas juridiquement fondée et encourrait un risque de censure constitutionnelle ». Ainsi, la disposition en question est inconstitutionnelle.
Je suis pour le droit local, mais je souhaite qu’il soit constructif. Il doit être élaboré dans la concertation et toute évolution de ce droit doit faire l’objet d’un consensus. Or la fédération française du bâtiment du Haut-Rhin est hostile à cette disposition.
L’attribution de subventions réservées exclusivement aux corporations ou l’instauration d’un financement obligatoire, sous une forme ou sous une autre, paraîtraient discriminantes pour les autres organisations professionnelles qui assurent des missions identiques. C’est le cas des fédérations du BTP en Alsace.
Selon ces fédérations, il semble inéquitable et inconcevable que des ressources publiques et pérennes issues de cette taxe financent des corporations qui, à l’heure actuelle, ne représentent plus que 30 % des entreprises. Avec le temps, cette représentativité sera encore plus faible, d’autant que la dissolution de nombreuses corporations est actuellement engagée.
Cette taxe induit une hausse des charges des entreprises et est en contradiction avec la politique du Gouvernement, car le pacte de responsabilité vise à donner davantage de compétitivité aux entreprises et aux artisans par une diminution de leurs prélèvements obligatoires.
Nous ne devons pas oublier que les entrepreneurs et artisans alsaciens du bâtiment se sentent défendus et représentés par des instances syndicales du BTP de droit français, auxquelles ils sont au demeurant libres d’adhérer ou non.
Monsieur Reichardt, avez-vous consulté ces entrepreneurs ? Les avez-vous entendus ?
Passer par l’obligation sans concertation n’est pas, selon moi, une bonne solution pour l’avenir de notre région. Je le rappelle, je suis favorable au droit local, mais celui-ci doit être révisé dans la concertation, en vue d’obtenir un consensus, et dans le respect des décisions du Conseil constitutionnel.