Intervention de Jean-Jacques Hyest

Réunion du 3 juillet 2014 à 15h00
Délimitation des régions et élections régionales et départementales — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi

Photo de Jean-Jacques HyestJean-Jacques Hyest :

Monsieur le ministre, il y a quelques instants, vous avez évoqué la longue histoire de la décentralisation.

C’est vrai que la loi municipale de 1884 était très bien écrite. D’ailleurs, ses dispositions figurent toujours dans le code général des collectivités territoriales.

C’est également vrai que l’objectif visé par les lois de décentralisation de 1982 n’a pas été entièrement atteint. Cependant, celles-ci ont amorcé une véritable révolution, dont certains ne voulaient pas ! Il s’agissait d’abolir la tutelle de l’État sur les collectivités locales. On avait même supprimé le mot de « préfet », qui évoquait par trop le pouvoir de l’État. L’objet de ces textes était d’initier une « République décentralisée », désormais scellée dans la Constitution.

D’innombrables autres lois – je pense à la loi Joxe, à la loi Chevènement, à la loi Raffarin, à la loi de 2010, qui n’a pas de père ou qui en a peut-être plusieurs, ou encore à la loi de 2012 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, dite « loi MAPAM » – ont confirmé cette volonté de décentralisation, en recherchant une meilleure efficacité de l’action publique locale. D’ailleurs, si l’on prend un peu de hauteur, on s’aperçoit que tous ces textes, quoi qu’on en dise, sont relativement homogènes, bien qu’adoptés par des majorités différentes.

L’émergence, puis la généralisation des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, ainsi que le rôle attribué aux régions, érigées en collectivités locales de plein exercice, ont constitué les étapes les plus importantes, même si nous avons échoué partiellement s’agissant d’une meilleure définition des compétences de chacune d’entre elles. L’objet de ce projet de loi est d’ailleurs de remédier à cette situation. Il faut dire qu’on supprime la clause de compétence générale un jour – c’était en 2010 –, qu’on la rétablit le lendemain – c’était en 2012 – et qu’on la supprime à nouveau le surlendemain, en 2014. Pour ma part, cela ne me gêne pas, car j’ai toujours considéré qu’il s’agissait d’une notion juridique assez floue.

D’après d’innombrables rapports d’experts, bien souvent en chambre – ils n’ont jamais dépassé le périphérique et ils ne savent même pas qu’il y a des communes rurales en Seine-et-Marne… –, la modernité voudrait que les collectivités les plus enracinées dans notre histoire et nos territoires s’effacent devant les plus récentes, à savoir les communautés de communes, les communautés d’agglomération, les communautés urbaines, sans parler des métropoles, et les régions.

Par ailleurs, nous sommes confrontés à la nécessité de réduire la dépense publique. Vous le savez bien, monsieur le ministre, puisque vous étiez auparavant ministre délégué au budget. Pour ce qui concerne les collectivités locales, cette réduction sera effective, même sans réforme, par la baisse des dotations de l’État, car les impôts, dont le poids est déjà insupportable, ne pourront pas être augmentés. Les élus locaux ne sont pas fous ! Par conséquent, les économies se feront de toute façon. D’autres pays ont d’ailleurs réformé ainsi. Bien sûr, pour certaines collectivités, notamment les départements, ce sera impossible, car leurs dépenses sont liées à l’aide sociale.

On nous promet qu’une rationalisation de la structure de nos collectivités locale pourrait engendrer des économies substantielles. Las, ces propos sont contredits par la plupart des grands cabinets d’experts en finances locales, d’autant que ces promesses mirifiques ne sont appuyées par aucune étude sérieuse, vous vous êtes d’ailleurs exprimé sur ce point, monsieur le ministre. Toutefois, compte tenu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur les études d’impact, je ne vais pas m’étendre sur le sujet…

Je me permets néanmoins de faire observer, en m’appuyant sur l’excellent rapport annuel de M. Charles Guené au nom de l’Observatoire des finances locales – c’est une mine de renseignements –, que les administrations publiques locales sont responsables de seulement 21 % des dépenses totales des administrations publiques, mais de 71 % de leurs dépenses d’investissement, ce qui pose une vraie question pour l’avenir. Il ne faut donc pas tuer les administrations locales ; autrement, c’est l’investissement public qui disparaîtra.

Alors que la totalité des dépenses des collectivités locales atteint 196 milliards d’euros, 130 milliards d’euros sont dépensés par le bloc communal, 71 milliards d’euros par les départements et seulement 27, 6 milliards d’euros par les régions. Ce constat permet de relativiser les enjeux de la réforme des régions et les économies attendues. On pourrait d’ailleurs se livrer au même raisonnement pour le personnel des collectivités locales. Actuellement, ce personnel représente 1 880 000 agents : 77 % dépendent des blocs communaux, 18, 2 % des départements et 4, 5 % des régions, ce qui représente tout de même 80 000 fonctionnaires.

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