Intervention de Philippe Bas

Réunion du 4 juillet 2014 à 9h45
Délimitation des régions et élections régionales et départementales — Articles additionnels avant l'article 1er

Photo de Philippe BasPhilippe Bas :

Habituellement, j’hésite toujours à me prononcer en faveur d’amendements qui ne comportent pas de dispositions ayant force de droit. Mais après la discussion générale que nous avons eue hier et qui a montré l’étendue de nos désaccords et même une certaine incapacité à les circonscrire et à les entendre de manière respectueuse, cet amendement me paraît nécessaire.

En effet, si nous voulons que la réforme territoriale réussisse, nous avons besoin de fixer la méthode, les objectifs et la liste des sujets à traiter.

Il n’y a pas ici des conservateurs et des révolutionnaires ; il peut y avoir des départementalistes, des régionalistes, et aussi ceux, dont nous faisons partie, qui sont favorables à une meilleure articulation entre les départements et les régions.

Découper les régions avant d’avoir décidé ce qu’elles devront faire, c’est tout simplement ne pas comprendre que l’on ne peut pas déterminer la taille des régions indépendamment des missions qu’il s’agit de leur confier.

Si les régions sont investies de missions de gestion, comme l’entretien des routes, des collèges, les transports scolaires, les syndicats d’initiative ou la carte des infrastructures de tourisme, elles seront d’autant moins efficaces qu’elles seront éloignées du terrain.

Si les régions sont composées d’élus en apesanteur, issus de listes constituées par les partis politiques, au lieu d’être composées d’élus territorialisés connus de tous et auxquels les maires peuvent s’adresser, alors, plus elles seront éloignées, plus le sentiment de la réalité de la vie démocratique et de la responsabilité des élus se distendra, alimentant ainsi chez les Français un sentiment les conduisant parfois à privilégier des votes extrêmes ou l’abstention.

En revanche, si la région est concentrée sur ses missions de planification des grands équipements et des infrastructures, de formation professionnelle et de développement économique, elle gagnera alors à être importante.

Ainsi toute position a priori et systématique sur la taille des régions me paraît-elle fondamentalement erronée.

Par ailleurs, pour qu’une région soit porteuse d’une ambition, elle doit avoir une certaine cohésion. Or elle ne peut pas avoir cette cohésion si l’on se contente de construire les régions par des additions de populations pour atteindre un certain chiffre et une masse critique.

Songez à d’autres pays, auxquels nous nous comparons habituellement, qui sont des conglomérats d’anciennes royautés ou principautés, d’anciens duchés ou des villes libres. Les régions – je pense en particulier aux Länder – y sont des entités constituées par une longue histoire commencée au Moyen Âge. Ce sont des réalités culturelles et des lieux d’identification profonde d’une population qui permettent à un pouvoir politique de s’exercer avec une très grande légitimité. Quand une région est hétéroclite, quand elle est le fruit d’une décision autoritaire et brutale, parfois sans concertation, elle ne peut pas acquérir cette cohésion.

Nous avons en France des régions récentes à l’échelle de l’histoire. Comme beaucoup de nos collègues, je reconnais qu’elles ne sont pas idéales et j’admets que l’on puisse en modifier le périmètre. Je suis ainsi satisfait que la Haute-Normandie et la Basse-Normandie soient regroupées, et le projet de loi prévoit le découpage d’autres régions dont personne ne conteste le périmètre.

Pour autant, ce découpage généralisé inspiré par une vision technocratique des territoires français n’est pas pertinent.

Nous nous y opposons pour cette raison, et non par je ne sais quel conservatisme dont on nous accuse trop facilement pour disqualifier nos arguments sans y répondre. §

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