Le point principal de cette discussion commune est évidemment l’exercice des droits de la défense, avant ou après la décision.
Comme il a été fait état du principe général des droits de la défense avant une décision administrative, je me permets de rappeler l’essentiel de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, dite DCRA, qui énonce ce principe général :
« […] les décisions individuelles qui doivent être motivées […] n’interviennent qu’après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. […]
« Les dispositions de l’alinéa précédent ne sont pas applicables […] lorsque leur mise en œuvre serait de nature à compromettre l’ordre public ou la conduite des relations internationales ».
Le principe général est donc clair et les exceptions ont été prévues dès l’origine. Puisque des appels à la cohérence sont parfois lancés, je rappelle à la présidente Assassi et au président Mézard que leurs formations politiques, qui participaient à la majorité gouvernementale de l’époque, ont voté cette disposition.
Par conséquent, l’idée selon laquelle, dans un cas particulier où l’ordre public est clairement en jeu, la mise en œuvre des observations en défense intervient au moment où la décision est notifiée est non seulement logique par rapport à l’efficacité de la mesure, mais aussi parfaitement cohérente avec le principe général que nous avons tous approuvé et qui prévoyait, depuis l’origine, cette exception.
C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur les amendements n° 16 rectifié et 59.
La proposition de Mme Benbassa tendant, par l'amendement n° 38, à ramener de six mois à quatre mois au maximum la durée de l’interdiction de sortie du territoire ne nous paraît pas judicieuse. Un renouvellement au bout de six mois permet un nouvel examen de la situation, et c’est déjà un élément protecteur. De plus – j’y viendrai à propos d’un autre amendement –, il appartient toujours à l’intéressé, s’il estime que la situation a changé et qu’il présente des justifications, de demander à tout moment la levée de la mesure.
La commission n’a pas non plus été convaincue par l'amendement n° 31 de M. Sueur. Nous avons le sentiment que la formule « lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser » revient à peu près au même que la condition posée à travers l’expression « fondée sur des faits précis et circonstanciés ». Nous écouterons l’avis du Gouvernement sur ce point, mais la commission n’a pas retenu cet amendement.
Quant à l'amendement n° 73 du Gouvernement, monsieur le ministre, je me permets d’émettre des doutes sur l’apport qu’il représente, que ce soit en termes d’efficacité ou de respect des droits de la défense, par rapport à celui que j’ai eu l’honneur de soumettre à la commission.
Vous proposez de fixer un délai maximal de dix jours pour que l’intéressé rende ses observations. Au lieu d’instaurer une contrainte de droit ouvert à la charge de l’administration, vous conjuguez, dans le même texte, une contrainte à l’encontre de l’administration et à l’encontre de l’intéressé. La formule logique, adoptée dans tous les textes de procédure administrative, consiste à donner un délai à l’administration pour permettre à l’intéressé de présenter ses observations, lequel peut répondre instantanément ou huit jours après. Il me semble donc que la formule adoptée par la commission est mieux équilibrée et plus orthodoxe.