Mes chers collègues, vous avez précédemment repoussé les amendements n° 67, 68 et 57. Vous vous souvenez que ces amendements portaient sur les conditions de la légalité de l’interdiction de sortie du territoire.
Nos collègues qui ont présenté ces amendements estimaient que l’expression « lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser » – de penser qu’un Français projette des déplacements à l’étranger ayant pour objet la participation à des activités terroristes – n’était pas suffisamment précise et qu’elle laissait un trop large pouvoir d’appréciation à l’administration.
Notre rapporteur, approuvé par le ministre, nous a convaincus par ses explications que la juridiction administrative qui serait saisie de toute contestation apprécierait la nature et la pertinence des raisons de penser que le déplacement se ferait dans le cadre de projets d’activité terroriste. Et c’est bien la pratique de la juridiction administrative que de veiller à ce que des mesures de contrainte soient strictement justifiées par des raisons suffisantes. Au cas par cas, le juge administratif a pour mission, pour devoir et pour habitude de vérifier l’adéquation des motifs à la mesure qui est prise.
Ayant été convaincus par ces arguments, comment pourrions-nous ne pas être convaincus par les mêmes arguments qui s’opposent à l'amendement n° 31, présenté par M Sueur et visant à ajouter l’exigence de fonder sur des faits précis et circonstanciés la mesure qui va être prise ? S’il était nécessaire d’apporter cette précision, c’est que, a contrario, la formule qui existe dans le projet de loi présenté par le Gouvernement ne serait pas suffisante pour que le juge administratif exige que la mesure soit fondée sur des faits précis et circonstanciés.
Il me semble donc, monsieur le ministre, permettez-moi de vous le dire, que la position dont vous avez fait part sur cet amendement n’est pas cohérente avec celle que vous avez exprimée sur les précédents amendements. Je ne vois aucune raison pour notre assemblée d’avoir rejeté ces amendements-là et d’admettre celui-ci, sauf à considérer que l’amendement de notre collègue Jean-Pierre Sueur « ne mange pas de pain » et ne fera pas de torts puisque, de toute façon, il faut bien des faits précis et circonstanciés.
Toutefois, si nous rédigeons la loi avec des dispositions inutiles qui « ne mangent pas de pain », c’est la négation même de notre travail de législateur !