Intervention de Nathalie Goulet

Réunion du 16 octobre 2014 à 9h30
Lutte contre le terrorisme — Article 9

Photo de Nathalie GouletNathalie Goulet :

L’article 9 du projet de loi présente une grande importance et suscite des débats nombreux, non seulement sur les réseaux sociaux mais aussi entre nous, au sujet de l’éventuelle nécessité de bloquer les sites.

Il n'est absolument pas douteux qu'internet est le premier agent recruteur du terrorisme. Il n’est pas non plus contestable qu’il résulte de cette situation des problèmes extrêmement graves, que M. le ministre a exposés dans le détail hier et dont nous avons longuement débattu.

Reste que nous devons jouer notre rôle de parlementaires. Or, voilà à peine trois ans, la mission d’information de l’Assemblée nationale sur la neutralité de l’internet et des réseaux a pris une position extrêmement claire. Selon elle, il convient « d’éviter au maximum d’obliger les opérateurs à bloquer des communications électroniques car le blocage a des effets négatifs », notamment celui de restreindre la liberté d’expression et de communication – même si, comme Gaëtan Gorce vient de le souligner, internet, comme tout domaine d’activité, doit obéir à des règles et ne saurait être une zone de non-droit. La mission d’information fait observer que, de manière indirecte, le blocage a aussi pour effet d’entraîner un surblocage et le développement du chiffrement.

Aussi bien, selon nos collègues députés, « ces effets négatifs ne sont pas toujours correctement pris en compte dans les décisions législatives. De plus, l’éclatement des bases législatives », qui sont en particulier la loi du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne et le code de la propriété intellectuelle, « est un facteur de confusion. C’est pourquoi il est proposé de s’interroger plus avant sur la justification des mesures de blocage légales, en dépit de leur légitimité apparente, du fait de leur inefficacité et des effets pervers qu’elles sont susceptibles d’engendrer et de prévoir dès à présent l’intervention systématique du juge pour prononcer des mesures obligatoires de blocage afin de mieux protéger la liberté d’expression. »

Certes, comme M. le ministre et MM. les rapporteurs l’ont répété hier, ce n’est pas parce qu’une mesure n’est pas parfaite qu’il ne faut rien faire du tout. Toujours est-il que le système proposé, qui consiste à bloquer les sites en agissant sur le domain name system, le DNS, a été très facilement contourné en Turquie. De fait, il suffit pour cela de procéder à une modification du réglage DNS accessible dans les paramètres de configuration, une opération à la portée de tout le monde. C’est ainsi que, quand Erdogan a eu la très mauvaise idée de bloquer Twitter en Turquie, l’adresse permettant de contourner le blocage a été immédiatement postée sur tous les murs.

Par ailleurs, nous avons, en France, des fournisseurs d’accès à internet tout à fait raisonnables, qui bloquent d’eux-mêmes les sites qui le méritent.

C’est pourquoi je propose la suppression de l’article 9 du projet de loi.

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