Intervention de Esther Benbassa

Réunion du 4 novembre 2014 à 14h30
Lutte contre le terrorisme — Discussion des conclusions d'une commission mixte paritaire

Photo de Esther BenbassaEsther Benbassa :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la lutte contre le terrorisme est une nécessité impérieuse et – chacun aura eu l’occasion de le signaler – les progrès irrésistibles de l’implantation de « l’État islamique » sur le terrain, dans une région à feu et à sang depuis des années, ainsi que l’insupportable assassinat de notre compatriote Hervé Gourdel en Algérie et les différentes décapitations d’Occidentaux sont venus nous rappeler notre vulnérabilité face à cette barbarie.

Le groupe écologiste, que je représente aujourd’hui, a pleine conscience du devoir qui est le nôtre de mener un combat résolu contre toutes les formes de terrorisme et de violence. Toutefois, j’ai eu l’occasion de le dire lors de la première lecture, nous sommes également convaincus que la volonté de rendre plus efficace notre légitime lutte contre le terrorisme ne justifie assurément pas qu’on brade les libertés individuelles.

Je veux également réaffirmer ici, comme je l’ai fait il y a deux ans, comme je l’ai fait il y a quelques semaines, qu’il est surtout urgent de s’attaquer aux causes profondes de l’émergence d’un terrorisme désormais endogène. Peut-être faut-il légiférer, mais il est surtout urgent de travailler en amont, de tout faire pour tenter de comprendre pourquoi ces jeunes, y compris nombre de récents convertis à l’islam, se découvrent soudain une vocation de djihadiste.

Nous pouvons adopter toutes les lois, toutes les mesures dissuasives ou répressives, j’en suis convaincue, nous ne pourrons endiguer un phénomène que nous ne comprenons pas.

Comme en première lecture, la question qui se pose à nous est celle de savoir si le texte issu de la commission mixte paritaire parvient au juste équilibre entre efficacité de la lutte contre le terrorisme et protection des libertés individuelles, qui sont au fondement de notre démocratie.

Considérant que le projet de loi initial n’était pas satisfaisant du point de vue de la protection des libertés individuelles, le groupe écologiste s’y était opposé. Nous constatons à regret que le texte de la commission mixte paritaire ne l’est pas davantage. Je ne reviendrai pas sur l’ensemble des mesures prévues, qui posent nombre de problèmes et constituent des atteintes à la liberté d’aller et venir, à la liberté de circulation dans l’espace Schengen, au principe du contradictoire, au principe de l’absence de répression des actes préparatoires, au principe de proportionnalité... La liste est longue !

Par ailleurs, si les lois antiterroristes sont nécessaires, elles ne doivent pas poursuivre d’autres objectifs que la lutte contre le terrorisme et ne doivent pas pouvoir être instrumentalisées à d’autres fins. Que penser, à cet égard, de l’article 1er bis introduit au Sénat par le biais d’un amendement du Gouvernement, qui ne crée rien de moins qu’une interdiction administrative du territoire français ? Il s’agit ici, n’en déplaise au principe de liberté de circulation, de pouvoir interdire l’entrée en France d’un ressortissant de l’Union européenne s’il représente « une menace » pour la sécurité publique. La menace, si elle doit être « réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société », ne doit pas forcément être en lien avec une entreprise terroriste, le mot n’étant même pas utilisé.

Vous comprendrez, madame la secrétaire d’État, notre inquiétude – partagée par de nombreuses associations et défenseurs des droits des étrangers – quant à l’utilisation qui pourrait être faite de cette mesure. Cette définition bien trop large permet, en réalité, d’interdire l’accès au territoire à peu près à tout le monde. D’aucuns ont pu y voir un « amendement anti-Roms », ...

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