Intervention de Jean-Patrick Courtois

Réunion du 4 novembre 2014 à 14h30
Lutte contre le terrorisme — Suite de la discussion d'un projet de loi et adoption définitive des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire

Photo de Jean-Patrick CourtoisJean-Patrick Courtois :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, quelle satisfaction qu’un large consensus permette l’adoption d’un texte aujourd’hui indispensable pour compléter notre législation sur les dispositifs de lutte contre le terrorisme ! Sans revenir sur ces besoins réels, je concentrerai mon propos sur le texte que nous avons élaboré en commission mixte paritaire le 21 octobre dernier, notamment la disposition portant sur le délit d’entreprise individuelle terroriste.

Nous avons été nombreux à dire, dès le début de la discussion, l’importance de la création du délit d’entreprise individuelle terroriste. L’introduction d’un nouvel article dans le code pénal consistant à élargir la définition de l’acte de terrorisme était nécessaire face à l’évolution du terrorisme comme l’a démontré notamment « l’affaire Merah », qui a tragiquement inauguré l’ère nouvelle des « loups solitaires », ces individus marginaux et difficilement prévisibles.

De plus, la situation internationale impose que nous ayons des outils juridiques précis afin d’interdire la sortie du territoire à certains individus, lorsque des « raisons sérieuses » laissent penser que cette personne souhaite se déplacer à l’étranger, soit pour participer à des « activités terroristes », soit pour un déplacement sur « un théâtre d’opérations de groupements terroristes et dans des conditions susceptibles de le conduire à porter atteinte à la sécurité publique lors de son retour sur le territoire français ».

Malgré la critique de certaines associations, il est également pertinent de prévoir l’interdiction administrative d’entrée sur le territoire à l’encontre de ressortissants d’un pays membre de l’Union européenne ou de tout membre de sa famille en cas de menace réelle pour l’intérêt fondamental de la société. Cette mesure s’inscrit dans la continuité de la résolution n° 2178 du 24 septembre 2014 du Conseil de sécurité des Nations unies sur les combattants terroristes étrangers, qui prévoit notamment de lutter contre la mobilité internationale des terroristes en empêchant leur accès ou leur transit sur le territoire des États membres de l’ONU.

Certains ressortissants étrangers qui ne résident pas habituellement en France peuvent représenter une menace grave pour la société, en particulier lorsqu’ils peuvent circuler librement au sein de l’espace Schengen. Tel peut être le cas de ressortissants d’États membres de l’Union liés aux mouvances radicales, voire à des organisations terroristes qui se rendent ponctuellement en France pour des séjours de très courte durée. Or seules les personnes résidant en France peuvent faire l’objet d’une mesure d’expulsion.

Je souhaiterais aborder l’un des principaux sujets de divergence que nous avons eu avec nos collègues députés. Il s’agit du régime des délits de provocation au terrorisme et d’apologie du terrorisme.

Nous avions deux approches différentes : l’Assemblée nationale, en accord avec le Gouvernement, avait « extrait » l’apologie et la provocation au terrorisme de la loi de 1881 sur la liberté de la presse, afin de prendre en compte le fait que l’utilisation d’internet fait partie intégrante de la stratégie de plusieurs groupes terroristes. Au Sénat, nous avions en revanche suivi la proposition pertinente des rapporteurs qui n’introduisait dans le code pénal que l’apologie et la provocation au terrorisme via internet.

La décision de la commission mixte paritaire de déplacer ces deux délits de la loi sur la liberté de la presse vers le code pénal et d’aggraver leurs sanctions lorsqu’ils sont commis sur internet – sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende au lieu de cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende – est actée, mais nous aurons, dans un avenir proche, à réfléchir peut-être plus sereinement à ce que nous voulons donner comme avenir à la loi sur la liberté de la presse, celle-ci regroupant aujourd’hui un certain nombre de délits qui seraient commis dans des conditions bien éloignées de la presse au sens de la législation du XIXe siècle.

Enfin, je souhaiterais vous faire part de quelques regrets.

Même si je sais que le Parlement devrait être conduit prochainement à légiférer en matière pénitentiaire pour traiter la question de l’encellulement individuel, je trouve regrettable que le Gouvernement n’ait pas eu de position plus claire sur la question de l’encellulement des personnes condamnées pour terrorisme, alors que nous savons tous que la prison est l’un des lieux de recrutement du terrorisme. Le rapport élaboré par l’un de nos collègues dans le cadre du budget de l’administration pour 2015 tend à confirmer la radicalisation et le prosélytisme en milieu pénitentiaire. C’est pourquoi la lutte contre le prosélytisme en prison est un chantier urgent à ouvrir.

Par ailleurs, j’avais déposé un amendement avec mes collègues Frassa et Gournac sur le sujet de la lutte contre la fraude aux prestations sociales. De la même manière, le Gouvernement est resté timoré sur ce plan. Certes, je le conçois, le sujet est extrêmement complexe et ne pouvait être abordé ainsi aussi rapidement sans perspective plus large ; mais ne nous cachons pas derrière cette réalité. Cette question mérite une réflexion approfondie, car les prestations sociales sont certes un droit, mais elles impliquent aussi des devoirs de celles et ceux qui les perçoivent envers la France.

Mes chers collègues, les dispositions adoptées dans le cadre de ce projet de loi vont contribuer à améliorer et renforcer le dispositif existant en matière de lutte contre le terrorisme. C’est donc sans aucune surprise que le groupe UMP votera ce texte, issu d’un consensus général, ce dont je me réjouis, car cela n’a pas forcément toujours été le cas lors des précédentes législatures, pourtant dans le même type de circonstances.

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