Intervention de Louis Nègre

Commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire — Réunion du 20 janvier 2015 : 1ère réunion
Transition énergétique pour la croissance verte — Examen du rapport pour avis, amendement 19

Photo de Louis NègreLouis Nègre, rapporteur :

Par souci de lisibilité, l'amendement n° 19 fait courir à compter du 1er janvier 2017 l'interdiction pour les personnes publiques d'utiliser les produits phytosanitaires mentionnés au premier alinéa de l'article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime. La date visée est ainsi cohérente avec celle initialement prévue dans la loi n° 2014-110 du 6 février 2014 visant à mieux encadrer l'utilisation des produits phytosanitaires sur le territoire national, à savoir à compter du 1er janvier 2020.

Le signal, pour les équipes municipales notamment, est plus clair : c'est bien à compter de 2017 que s'appliquera cette obligation.

Je rappelle que sur le terrain, de très nombreuses initiatives ont été lancées pour réduire l'usage non agricole des produits phytosanitaires - usage qui représente environ 10 % des usages de pesticides en France. De nombreuses collectivités se sont engagées sur la voie du zéro phyto. Selon des chiffres un peu anciens de 2009, les villes de plus de 50 000 habitants sont à 60 % dans un objectif de zéro phyto. Des grandes villes comme Nantes, Strasbourg, ou Paris ont franchi le pas.

De manière générale, le critère primordial pour réussir est la pédagogie auprès de la population, avec des actions de formation, d'information et de communication. Pour remplacer concrètement les usages de phytosanitaires, qui concernent essentiellement des herbicides, la solution passe par des alternatives autorisées en agriculture biologique, des produits de biocontrôle, ou encore des alternatives mécaniques, avec des techniques de binage et de paillage.

L'usage de phytosanitaires en ville est une source importante de contamination des eaux. Les désherbants utilisés sur des surfaces imperméables comme les trottoirs, les cours bitumées ou les pentes de garage, se retrouvent généralement dans les eaux superficielles ou souterraines. Le taux de dispersion est bien plus important pour les usages non agricoles que pour les usages agricoles.

Je rappelle pour finir également que l'enjeu est un enjeu sanitaire : pour les employés qui appliquent ces produits, et pour les citoyens en contact indirect lorsqu'ils circulent dans des zones traitées.

L'enjeu environnemental rejoint l'enjeu économique pour le contribuable. En tant qu'habitant dans une collectivité, il paie trois fois : pour acheter les pesticides, pour les épandre et pour dépolluer les eaux. Je pense notamment aux produits de dégradation du glyphosate, le fameux Round Up, qui remettent en cause dans de nombreux endroits les normes de potabilité des eaux.

L'interdiction de l'usage de produits phytosanitaires par les collectivités et les particuliers va donc dans le sens d'une gestion financière plus efficiente. 2017 me semble être une bonne date pour cela.

Je serai défavorable aux amendements de suppression totale de l'article 18 bis.

À Cagnes-sur-mer, dont je suis maire, nous nous sommes aussi lancés dans le « 0 phyto » depuis des années. Aujourd'hui, je n'ai pas moins d'herbe qu'avant, je n'ai pas plus d'employés qu'avant, et les habitants sont contents de voir leurs enfants traverser des pelouses sans produits phytosanitaires. J'ai aussi des exploitations d'agriculture bio ou raisonnée qui fonctionnent très bien. On ne touche pas aux usages agricoles. Pour le reste, on se retrouve parfois avec des pollutions qu'on ne sait pas traiter dans les stations d'épuration. Dans l'estuaire de la Gironde, il y a beaucoup de poissons hermaphrodites, ce qui n'est pas normal.

L'amendement n° 19 est adopté.

L'amendement n° 25 supprime les alinéas 4 à 7, qui réécrivent le second alinéa de l'article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime relatif aux possibilités de dérogation à l'interdiction générale d'épandage aérien de produits phytosanitaires. En l'état du droit, ces dérogations sont possibles dans des cas bien encadrés : « lorsqu'un danger menaçant les végétaux, les animaux ou la santé publique ne peut être maîtrisé par d'autres moyens ou si ce type d'épandage présente des avantages manifestes pour la santé et l'environnement par rapport à une application terrestre » et sur autorisation du préfet pour une durée limitée. Sur cette base, seulement 28 dérogations ont été accordées en 2013 pour le riz et la vigne.

Le présent article, en ne permettant les dérogations qu'en cas de « danger sanitaire grave qui ne peut être maîtrisé par d'autres moyens » et sur autorisation par arrêté interministériel complexifie inutilement une procédure qui reste essentielle, dans des cas extrêmement ponctuels, pour lutter contre la propagation des organismes nuisibles. Outre le caractère flou de la notion de danger grave, la rigidification administrative opérée par le recours à un arrêté interministériel remet en cause la capacité de réaction rapide des agriculteurs pour lutter contre les dangers pour la santé et l'environnement.

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