Intervention de Esther Benbassa

Réunion du 10 mars 2015 à 14h30
Accueil et protection de l'enfance — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Esther BenbassaEsther Benbassa :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi de notre collègue Colette Giudicelli visant à modifier l’article 11 de la loi n° 2004-1 du 2 janvier 2004 relative à l’accueil et à la protection de l’enfance.

Le sujet est grave et important, puisqu’il s’agit de dispositions relatives au signalement des actes de maltraitance envers les mineurs. En la matière, les chiffres sont sidérants. On dénombre, dans notre pays, 98 000 cas connus d’enfants en danger : 19 000 sont victimes de maltraitance et 79 000 se trouvent dans des situations à risque ; 44 % des enfants maltraités ont moins de six ans.

Derrière ces chiffres souvent rappelés, il y a la réalité crue de l’enfance en danger, de l’enfance maltraitée. Nous devons faire face à cette réalité : 98 000 enfants en danger, ce sont 98 000 enfants pour lesquels chacun doit prendre ses responsabilités.

Notre responsabilité de législateur consiste alors à évaluer et à améliorer, si nécessaire, les procédés de signalement des maltraitances envers les enfants, afin qu’ils soient les plus efficaces possible et que ces chiffres terrifiants baissent enfin. Or, comme l’a rappelé notre rapporteur, François Pillet, seuls 5 % des signalements d’enfants en danger proviennent du secteur médical : 4 % des signalements sont dus aux médecins hospitaliers et 1 % aux médecins libéraux. Il convient donc de comprendre pourquoi le dispositif de signalement est si peu utilisé par le corps médical et de le renforcer.

En 2003, le Parlement, notamment notre Haute Assemblée, considérait déjà que le droit existant entravait les signalements, par les médecins, d’actes de maltraitance subis par des mineurs. Certaines modifications avaient alors été apportées à l’article 226-14 du code pénal afin de renforcer la protection de l’enfant, mais également celle du médecin qui émet un signalement. Plus de dix ans après la promulgation de cette loi, force est de constater qu’il faut revoir ses dispositions.

Comme l’exposé des motifs le rappelle, « depuis 1997, environ deux cents médecins – qu’ils soient psychiatres d’enfants, médecins généralistes, pédiatres ou encore gynécologues – ont fait l’objet de poursuites pénales et/ou de sanctions disciplinaires sur l’initiative du ou des auteurs présumés des agressions », ce qui a créé « un climat de stress et un malaise profond au sein du monde médical ».

Les auteurs de la présente proposition de loi estiment, pour leur part, que la loi n° 2004-1 du 2 janvier 2004 relative à l’accueil et à la protection de l’enfance « n’a malheureusement pas été suffisante pour protéger les victimes mineures et encourager les médecins à signaler les violences » et souhaitent, en cas de signalement, « protéger l’ensemble des médecins des poursuites qui pourraient leur être intentées et, de ce fait, renforcer et encourager leur mission de protection des mineurs faisant l’objet de violences ».

Le groupe écologiste souscrit à ce constat et partage la volonté de modifier le droit, afin d’instaurer une véritable protection juridique pour le corps médical. C’est d’ailleurs la solution qui a été adoptée par de nombreux pays européens et qui est défendue par le Conseil de l’Europe.

Je veux saluer ici le travail de fond réalisé par notre rapporteur, qui a contribué à améliorer encore le dispositif de cette proposition de loi, en y incluant l’ensemble des membres des professions médicales, ainsi que les auxiliaires médicaux.

Finalement, en affirmant sans ambiguïté et de manière parfaitement explicite que le professionnel qui signale régulièrement une présomption de maltraitance ne peut voir sa responsabilité, quelle qu’elle soit, engagée, le texte issu des travaux de la commission des lois permet de libérer les personnes concernées du dilemme dans lesquelles elles se trouvent, entre le devoir moral de signaler, le respect du secret médical et la crainte des poursuites.

Nous en sommes convaincus, cette meilleure protection des professionnels ne peut que rendre plus efficace la lutte pour la défense de l’enfance en danger. C’est donc sans hésitation que le groupe écologiste votera cette proposition de loi.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion