Intervention de Daniel Gremillet

Réunion du 17 mars 2015 à 14h30
Adaptation de la société au vieillissement — Discussion d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Daniel GremilletDaniel Gremillet :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le vieillissement de la population est devenu un enjeu majeur pour notre société, pour notre économie.

Au 1er janvier 2015, 18 % de la population française avait plus de soixante-cinq ans et 9 % plus de soixante-quinze ans. Ce vieillissement devrait se poursuivre dans les prochaines décennies. Selon les projections de l’INSEE, entre 2007 et 2060, le nombre de Français âgés de plus de soixante-quinze ans devrait doubler, et le nombre des plus de quatre-vingt-cinq ans devrait être multiplié par quatre.

Dans le projet de loi qui nous est présenté, la question du vieillissement de la société est abordée de manière transversale : les conséquences de ce phénomène sont examinées des points de vue tant de la santé que du logement, de l’urbanisme, des transports ou encore de l’économie. La commission des affaires économiques s’est strictement saisie pour avis des articles 2, 11 à 16 bis et 61. Elle a adopté onze amendements ; la grande majorité d’entre eux ont été intégrés au texte de la commission des affaires sociales, ce dont je me félicite.

Je souhaiterais plus particulièrement dire quelques mots sur la silver economy, puis sur l’hébergement des personnes âgées.

Sur le premier point, une étude de l’agence de notation Moody’s du mois d’août dernier voyait dans le vieillissement de la population mondiale un frein à la croissance mondiale. Toutefois, ce constat n’est pas partagé par tous. Ainsi, dans un rapport remis en 2013, le Commissariat général à la stratégie et à la prospective considérait au contraire que la silver economy pouvait être considérée comme un ensemble d’activités économiques et industrielles bénéficiant aux personnes âgées, soit une opportunité de croissance pour la France. Il soulignait, en effet, que les seniors allaient constituer un marché en expansion, et que les entreprises auraient intérêt à s’y adapter et à anticiper les besoins, les produits et les services. La commission Innovation 2030 a également fait de la silver economy l’un des sept secteurs d’innovation pour la France en 2030.

L’enjeu est important : le chiffre d’affaires des entreprises de cette filière est estimé à 16, 6 milliards d’euros, avec un taux de croissance annuel moyen d’environ 14 %. Des secteurs très divers sont concernés : l’habitat, la sécurité, les services, les loisirs ou encore le tourisme.

Pour aider à mettre en place cette filière et faire de la silver economy une vraie filière industrielle, un contrat de filière silver economy a été signé le 12 décembre 2013 entre l’État et les principaux acteurs.

Plus récemment, le 4 mars dernier, la Caisse des dépôts et consignations s’est engagée à soutenir les petites et moyennes entreprises de la filière en créant un fonds d’investissement doté de 45 millions d’euros. C’est une filière importante pour notre économie, qu’il faut absolument continuer à encourager !

Le deuxième point que je souhaiterais aborder concerne les conséquences du vieillissement de la société sur notre politique du logement. Il apparaît que 85 % de nos concitoyens souhaitent rester le plus longtemps possible à leur domicile, ce qui suppose le plus souvent que le logement fasse l’objet de travaux d’adaptation ou d’accessibilité. Or seulement 6 % du parc de logements serait adapté aux personnes âgées de plus de soixante-cinq ans. Nous sommes donc très en retard sur cette question.

Ces travaux peu coûteux permettraient en retour de faire des économies en matière de dépenses de santé ou d’aides à domicile. Ils auraient également des conséquences positives pour les artisans, sans parler du bénéfice en termes de qualité de vie des seniors.

La possibilité d’obtenir des aides permettant à la personne âgée de financer la réalisation de travaux d’adaptation est souvent un élément central dans la décision de demeurer ou non au domicile. La personne dépendante peut bénéficier d’un crédit d’impôt pour les dépenses d’installation ou de remplacement d’équipements spécialement conçus pour les personnes âgées. Il me paraît essentiel que le bénéfice de ce dispositif fiscal puisse être étendu aux descendants de la personne âgée lorsqu’ils réalisent les dépenses d’adaptation. Il s’agirait d’une nouvelle forme de relation enfant-parent.

Les personnes les plus modestes peuvent, quant à elles, bénéficier d’aides de l’ANAH. Je rappelle que celle-ci s’est fixé pour objectif d’aider, en 2015, au financement de travaux d’adaptation de 15 000 logements. Au-delà de cette date, il est très important, si nous voulons rattraper notre retard, que l’État veille à ce que l’ANAH ait les moyens de financer, chaque année, les travaux d’adaptation de 15 000 logements.

Lorsque le logement a été adapté, éventuellement avec des aides publiques, il serait dommage qu’il ne profite pas à d’autres personnes âgées. C’est pourquoi il m’a paru nécessaire d’encourager le développement de bourses aux logements adaptés, permettant de faciliter le rapprochement entre l’offre et la demande de logements adaptés à la perte d’autonomie et au handicap. Il ne s’agit en aucun cas d’ajouter une contrainte nouvelle aux bailleurs privés, puisque ces bourses reposeraient sur le volontariat de ces derniers.

S’agissant du parc social, les organismes d’HLM développent des stratégies globales d’adaptation de leur parc et ajustent leur gestion à leurs locataires âgés. Ils sont d’autant plus attentifs à la question de l’adaptabilité des logements qu’ils comptent, selon une étude de 2006, 28 % de personnes âgées de plus de soixante ans, dont 16 % ont plus de soixante-dix ans.

Le maintien à domicile, surtout si la personne vit seule, n’est pas toujours possible. Différentes formes d’hébergement des personnes âgées, permettant de sortir d’une logique binaire entre domicile et EHPAD, se sont mises en place au fil des années. La réponse ne peut être uniforme.

Ainsi, des formules d’habitat intergénérationnel, qui permettent à la personne âgée de demeurer à son domicile grâce à la présence d’un jeune, se sont développées dans le parc privé. Mais ces dispositifs demeurent marginaux et présentent des faiblesses sur le plan juridique. Notre commission sera très attentive au rapport prévu par l’article 15 bis que le Gouvernement devra remettre au Parlement sur ce sujet.

D’autres personnes âgées ne peuvent plus ou ne souhaitent plus demeurer à leur domicile et choisissent de rejoindre un endroit plus convivial et plus sécurisé, comme les résidences-services ou les logements-foyers.

La commission des affaires économiques partage les objectifs de clarification et d’harmonisation des dispositions relatives aux logements-foyers prévues par les articles 11 à 13. Toutefois, des personnes auditionnées m’ont fait part de leurs inquiétudes concernant un possible décalage entre les dispositions de l’article 11 relatives au nombre de personnes âgées dépendantes pouvant être accueillies dans les logements-foyers et les règles applicables à ces établissements en matière de sécurité incendie. Pouvez-vous nous confirmer, madame la secrétaire d’État, que les seuils retenus en matière de réglementation relative à la sécurité incendie seront adaptés en conséquence ?

L’article 15 tend à modifier les règles relatives aux résidences-services. La commission des affaires sociales a adopté plusieurs des amendements que j’ai présentés afin de préciser les modalités de suppression des services non individualisables, ainsi que la liste des personnes proches du syndic ne pouvant être prestataires. Il s’agit également de spécifier que les comptes rendus des réunions du conseil des résidents sont communiqués aux copropriétaires.

Toutefois, j’ai de nouveau déposé, pour qu’ils soient examinés en séance publique, les amendements de la commission des affaires économiques n’ayant pas été adoptés par la commission des affaires sociales. Le premier prévoit de conditionner la suppression d’un service non individualisable à la réalisation d’une étude d’impact. Le second prévoit que les nouvelles règles relatives aux résidences-services ne s’appliquent pas à celles existantes, sauf si celles-ci le décident par une décision prise en assemblée générale. En effet, il ne me paraît pas opportun de prendre le risque de déstabiliser ces résidences en leur appliquant de nouvelles règles, alors que la grande majorité d’entre elles fonctionnent très bien.

Le texte définit les résidences-services qui sont appelées à se développer au cours des prochaines décennies. Je m’en félicite. Cette disposition est très attendue par les professionnels.

Lorsque la personne âgée est dépendante, elle peut rejoindre un EHPAD qui assure sa prise en charge globale.

Lors de l’examen de mon rapport pour avis en commission, Joël Labbé a également mentionné l’existence de domiciles partagés accueillant des personnes âgées dépendantes, le plus souvent atteintes de la maladie d’Alzheimer. Ces structures, qui offrent une réponse de proximité, semblent néanmoins soulever des questions sur le plan juridique. Avez-vous été saisie de cette question, madame la secrétaire d’État ? Avez-vous des réponses à nous apporter ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion