Intervention de Elisabeth Doineau

Réunion du 17 mars 2015 à 14h30
Adaptation de la société au vieillissement — Suite de la discussion d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Elisabeth DoineauElisabeth Doineau :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, notre appréciation du présent projet de loi est contrastée.

Nous sommes bien loin du premier élan qui avait présidé à l’organisation, en 2011, du grand débat national sur la dépendance. La reconnaissance et la création d’un cinquième risque ne sont clairement plus d’actualité.

Faut-il y voir un manque d’ambition ou un signe de réalisme, compte tenu de l’état de nos finances publiques ? Il n’est désormais question que d’aménagements ponctuels et pragmatiques, sous-calibrés par rapport à l’ampleur des besoins réels.

Cependant, même dans cette optique moins-disante, le présent projet de loi souffre de lacunes et de limites importantes. J’en évoquerai deux.

Première limite majeure, ce texte ne porte presque exclusivement que sur l’aide à domicile. Autrement dit, il n’aborde qu’à la marge la prise en charge en établissement.

En matière de dépendance, c’est peut-être le reste à charge, pour la personne âgée et sa famille, qui constitue le problème le plus important, cela a été dit tout à l'heure. Il conviendrait de s’y attaquer urgemment. Or ce sujet est maintenant renvoyé à l’horizon du rétablissement des comptes publics… Je vous laisse en estimer la date ! Nous ne pouvons que le regretter vivement.

La seconde limite majeure du texte touche, bien sûr, au financement de ses dispositions. À cet égard, la réforme a le vice de sa vertu. La construction financière du projet de loi était à la fois originale et innovante, puisque ses mesures ont été calibrées en fonction des financements disponibles. Tout est paramétré en fonction du produit de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la CASA.

C’est évidemment une démarche dont il faut s’inspirer et qui devrait même devenir un principe élémentaire de l’action publique, dans la mesure où la réforme est ainsi, par nature, financée. C’est bien cela la vertu budgétaire : ne pas dépenser plus que l’on ne dispose.

Toutefois, le financement imparti à la réforme est dès le départ notoirement insuffisant. C’est sur ce point que se situe le principal problème, le vice. La CASA rapportera un peu plus de 650 millions d’euros. Or les besoins financiers en matière de dépendance, qui sont connus, s’avèrent sans commune mesure.

Le ministère lui-même vient de publier une étude sur le coût de la dépendance pour les finances publiques en 2011 et sur son évolution à l’horizon 2060. En 2011, les dépenses publiques de prise en charge de la perte d’autonomie ont atteint plus de 21 milliards d’euros au titre de la santé, du médico-social et de l’hébergement. À l’horizon 2060, ce chiffre serait de 35 milliards d’euros ! Dans ces conditions, que représentent les 650 millions d’euros de la CASA ? Évidemment, une faible part, qu’il convient donc de remettre en perspective.

Face à un tel constat, nous aurions pu éluder le débat, en déposant une motion tendant à opposer la question préalable. Nous nous y sommes refusés pour deux raisons : d’une part, la question de la dépendance a été trop souvent reportée, alors même qu’elle est attendue par tous ; d’autre part, il faut aussi reconnaître certains mérites au projet de loi qui nous est soumis, surtout tel qu’il ressort des travaux de notre commission.

J’en profite pour féliciter nos rapporteurs, Gérard Roche et Georges Labazée, de leur implication et de la qualité des propositions qu’ils nous ont faites.

Le premier mérite du texte, selon nous, réside dans son esprit. En effet, il vise à battre en brèche la peur et la culpabilité de vieillir à l’œuvre dans la société.

Nous devons commencer à changer le regard que nous portons sur nos aînés. Nous partons trop souvent du postulat que les familles ne peuvent plus les prendre en charge. Pourtant, d’une manière ou d’une autre, nous devrons évoluer.

Par ailleurs, le texte comporte un certain nombre d’avancées réelles qu’il n’est pas question de minimiser.

Nous soutenons évidemment la revalorisation des prestations de l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA. Même si elle est encore insuffisante, cette réévaluation n’en demeure pas moins appréciable.

Même avis concernant la revalorisation de la rémunération des travailleurs de l’aide à la personne. Bien que celle-ci soit bien modique, elle a au moins le mérite d’en finir avec le gel des salaires.

Sur le plan financier, la commission a sanctuarisé la clé de répartition des fonds issus de la CASA, ce qui représente un réel avantage en matière de transparence et de sécurisation financière du système.

De même, nous prenons acte de la réforme de la gouvernance à l’échelle locale, avec la création de la conférence des financeurs, des conseils départementaux de solidarité pour l’autonomie, les CDSA, et des maisons départementales de l’autonomie, les MDA. Nous appelions de nos vœux une telle évolution, qui intègre handicap et vieillissement. Une telle architecture a été très opportunément complétée par la commission, qui a conféré au département un rôle de pilote. Ce chef de filat annonce l’élaboration future des schémas départementaux de l’autonomie.

Autre point très positif du texte, l’expérimentation d’un modèle intégré d’organisation et de financement des services polyvalents d’aide et de soins à domicile, les SPASAD. Toutefois, nous pensons qu’il faut aller plus loin en prévoyant aussi un cadre juridique pour les SPASAD, qui devraient prendre la forme de groupements de coopération sociale et médico-sociale, les GCSMS. Nous défendrons d’ailleurs un amendement en ce sens.

À l’échelle nationale, la solution retenue par notre commission de créer un Haut Conseil de l’âge plutôt qu’un Haut Conseil de la famille et des âges de la vie nous semble préférable. Elle permet à la fois à la réforme de se concentrer sur la question du vieillissement et, surtout, de proposer une gouvernance nationale s’articulant de manière plus cohérente avec la gouvernance locale.

Nous ne pouvons également que soutenir la redéfinition des foyers-logements en résidences autonomie et, surtout, la création du forfait autonomie correspondant, d’autant que notre commission a opportunément élargi la possibilité de le percevoir aux établissements percevant aussi le forfait soins, dont l’objet est différent.

Il est prévu que quarante millions d’euros de la CASA y soient dédiés, ce qui représente un financement encore une fois peu significatif, lorsqu’il est rapporté à chaque département.

Enfin, nous nous réjouissons de la création du droit au répit pour les aidants, un premier pas modeste, mais notable, et d’une meilleure reconnaissance par le texte des accueillants et aidants familiaux.

Ces quelques améliorations ne seront pas suffisantes pour vieillir dans de meilleures conditions.

Je tiens sur ce point à dire un mot de ce qui constituera, à l’évidence, le cœur de nos débats, à savoir la distinction entre autorisation et agrément, sur laquelle mon collègue Jean-Marie Vanlerenberghe interviendra également. Sur ce sujet, tout le monde est d’accord sur le constat, y compris le Gouvernement, comme j’ai cru le comprendre à l’instant. Dès lors, la question est de savoir comment nous pourrons aboutir ensemble à un modus vivendi.

Même si notre appréciation de ce texte est contrastée, vous l’avez compris, le groupe UDI-UC le votera, parce qu’il va dans la bonne direction. Nous regrettons néanmoins de trop timides avancées, à petits pas comptés.

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