Intervention de Jean-Marie Morisset

Réunion du 17 mars 2015 à 14h30
Adaptation de la société au vieillissement — Article 1er

Photo de Jean-Marie MorissetJean-Marie Morisset :

Le vieillissement de notre population est un phénomène qui va prendre une place croissante dans notre société, et cette situation n’est pas sans conséquences pour notre pays.

Madame la secrétaire d’État, vous avez voulu ce projet de loi ambitieux, responsable et global, comme en témoignent la rédaction de l’article 1er et les intitulés des différents titres : anticiper, adapter, accompagner, gouverner, ce sont là autant d’objectifs et d’exigences qui suscitent notre envie d’adhérer à votre projet.

Pourtant, malgré quelques points de convergence, j’avoue m’interroger sur certains sujets ; compte tenu du temps qui m’est imparti, je n’évoquerai que quelques-uns d’entre eux.

Mettre en place une conférence départementale des financeurs peut, certes, apparaître comme une bonne initiative, mais, à ce jour, nous multiplions les organismes, les comités, les conférences. Pour traiter chaque question, nous mettons en place une nouvelle structure, or cette multiplicité des instances ne débouche pas souvent sur une meilleure efficacité.

En l’occurrence, il est vrai que si certains paient, ce sont souvent d’autres qui informent, d’autres encore qui hébergent, qui soignent, qui accompagnent. Pour plus de pragmatisme et d’efficacité, nous pourrions ouvrir plus largement la composition de cette conférence que ne le prévoit le texte, pour créer une véritable « conférence de la personne âgée », qui jouerait alors un rôle majeur dans notre organisation.

Je suis par ailleurs étonné qu’il ne soit que peu fait mention, dans le texte du projet de loi, des centres locaux d’information et de coordination, les CLIC. Dans mon département, des associations gérontologiques gèrent les CLIC, les réseaux de santé, les maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades d’Alzheimer, les MAIA, en lien avec les services du conseil général et de l’agence régionale de santé. La vision globale et la réactivité que leur confère la structuration associative leur permet d’être des têtes de pont pertinentes.

L’adaptation de la société au vieillissement, qui fait l’objet de l’article 1er, est un impératif. Pourtant, nous constatons beaucoup de manques, des besoins non évoqués ni pris en compte.

Certes, le projet de loi tend à mieux intégrer les personnes âgées dans les dispositifs relatifs à l’accessibilité et à renforcer leur protection juridique. Je m’interroge toutefois sur certains dispositifs, tout particulièrement les programmes locaux de l’habitat, qui doivent servir à l’avenir de supports à des politiques coordonnées d’adaptation de l’habitat au vieillissement et à la perte d’autonomie. On le sait, les communes et les intercommunalités n’auront pas de peine à recenser les besoins, comme elles le font pour le logement des jeunes et les logements sociaux. Toutefois, la programmation financière de leur couverture sera pour elles un exercice beaucoup plus difficile, dans la mesure où leurs marges de manœuvre pour investir sont de plus en plus fragilisées.

À l’exception des dispositions de quelques articles, on peut s’étonner, à l’inverse, de ne pas trouver de droit à l’expérimentation pour des services relatifs aux personnes âgées. Je pense, par exemple, à la mise en place de structures d’accueil, notamment pour les personnes désorientées et les personnes handicapées vieillissantes. De même, les problématiques de santé publique liées aux maladies de Parkinson et d’Alzheimer ne sont abordées nulle part.

En revanche, le texte manifeste une véritable ambition en termes de maintien à domicile et d’efforts pour l’adaptation du parc de logements. Toutefois, si les objectifs affichés –l’adaptation de 40 000 à 80 000 logements en deux ans seulement –, sont, et de très loin, supérieurs à ceux des années passées, l’échéance est bien trop rapprochée : deux ans, c’est court ! N’oublions pas que nous sommes rarement opérationnels en si peu de temps. Nous n’atteindrons donc de tels résultats que si nous savons modérer nos attentes en matière d’études et simplifier les procédures.

Je le répète, l’adaptation de la société au vieillissement est un impératif, rappelé dès l’article 1er du projet de loi. Pour atteindre cet objectif ambitieux, il est nécessaire, madame la secrétaire d’État, de conforter le maintien à domicile et de donner des moyens suffisants aux établissements.

Concernant le maintien à domicile, de réelles améliorations sont proposées, mais, pour le conforter, il est impératif de pérenniser le secteur des services à la personne, qui joue un rôle important dans ce domaine. Or, il est paradoxal de constater que, à ce jour, ce secteur en plein essor, porté par une demande croissante, connaît une situation financière très fragile. Je regrette donc qu’aucune véritable mesure de refonte de l’aide à domicile n’ait été proposée.

En créant par ailleurs deux obligations pour les entreprises privées agréées par l’État, à savoir signer un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens avec le conseil général et être autorisées par celui-ci, votre projet de loi risque, de fait, d’exclure ces entreprises, au profit des structures autorisées par le conseil général. Sur ce point, je ne serai vraiment rassuré que lorsque l’amendement voté ce matin par la commission des affaires sociales sera définitivement adopté par notre assemblée.

En conclusion, madame la secrétaire d’État, je veux vous faire part de mes regrets concernant la prise en charge des personnes dépendantes en établissement. Certes, vous nous avez dit que cette question n’était pas à l’ordre du jour et que les moyens n’étaient pas suffisants. Cependant, il n’est pas interdit de profiter de l’examen de ce projet de loi pour évoquer ce point particulier, qui concerne directement nos établissements. Le principal défaut de ce texte est de ne pas apporter de réponse en matière de besoins : le manque de places en établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, le manque de personnel, le fait que certains établissements ne sont pas adaptés à la dépendance et le coût de leur fonctionnement rendent aujourd’hui ceux-ci souvent inaccessibles aux personnes âgées.

Compte tenu de ces quelques réflexions, madame la secrétaire d’État, vous comprendrez que l’ambition sous-tendant l’article 1er restera encore longtemps d’actualité. Beaucoup reste à faire pour que, dans les années à venir, l’adaptation de la société au vieillissement cesse d’être un impératif national et une priorité de l’ensemble des politiques publiques de la nation !

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