Les moyens humains et financiers qui seraient nécessaires pour l’application de cette nouvelle contravention ne pourraient-ils pas être plus utilement employés, au service de la lutte contre le proxénétisme et les réseaux internationaux ?
À cela s’ajoute un problème de cohérence. Les auteurs du présent texte ont voulu renverser le mécanisme actuel en supprimant toute pénalisation du racolage et en sanctionnant le client. Mais comment pourrait-on concilier juridiquement le fait que la prostitution soit autorisée en France, puisqu’elle n’est pas interdite, la suppression du délit de racolage et la pénalisation du client ?
Nous aboutirions à cette situation : la prostitution serait autorisée ; sa promotion serait permise par le texte que nous voterions ; en revanche, il serait interdit aux clients de se livrer à de telles relations tarifées… Il me semble que, en agissant ainsi, nous irions au-devant de graves difficultés. En outre, le manque de clarté, de lisibilité et d’intelligibilité de la loi qui en découlerait conduirait à s’interroger sur sa constitutionnalité.
De telles dispositions pourraient également être contradictoires à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme qui, reconnaissant le droit de disposer de son corps, juge que les relations sexuelles entre adultes sont libres et échappent à l’ingérence des pouvoirs publics, dès lors qu’aucune contrainte n’est exercée.
Souhaitons-nous réellement prendre ces risques vis-à-vis de la Constitution comme du droit européen ? Voter une loi d’affichage, inapplicable, juridiquement fragile, inopérante au regard des objectifs assignés apparaîtrait comme la pire des solutions. Un sujet aussi grave que celui-ci, dont dépendent la vie et la santé des personnes en cause, exige de notre part réalisme et pragmatisme
C’est la raison pour laquelle je ne suis pas favorable au rétablissement de l’article 16, même si, vous l’aurez compris, je suis tout à fait en accord avec tout ce qui touche au volet social.
J’aurais souhaité, comme Chantal Jouanno l’a indiqué tout à l'heure, que nous réfléchissions plus en profondeur. Au lieu de supprimer l’article 251-10-1 du code pénal, il aurait été préférable de le réécrire. Si le client doit être pénalisé, il faut prévoir une condition de contrainte. Nous pourrions ainsi nous assurer de la conformité du texte avec le droit européen et nous donner les moyens de lutter contre les réseaux tout en permettant aux personnes qui le souhaitent d’exercer librement cette activité.
Nous écrivons la loi certes pour la majorité, mais il est de notre devoir de préserver dans le même temps les droits des minorités !