Pour ce qui est de l’efficacité, Robert Badinter a montré la fragilité d’un tel dispositif. Du point de vue de la légalité, dont je ne pense pas qu’une assemblée comme la nôtre puisse faire fi, Robert Badinter évoque la position de la Cour européenne des droits de l’homme, la CEDH, pour démontrer, là encore, sa fragilité. On peut considérer que les questions posées par un ancien président du Conseil constitutionnel ont du sens, et s’interroger, avec lui, sur la constitutionnalité du dispositif.
La pénalisation du client pose donc un vrai problème. Tout le monde – en tout cas, les professionnels – en convient, l’infraction introduite par l’article 16 serait, vous l’avez plusieurs fois souligné, madame la secrétaire d’État, une contravention de cinquième classe. Peut-on sérieusement prétendre que les réseaux, les organisations mafieuses, les personnes rompues aux arsenaux juridiques, judiciaires et policiers seront le moins du monde émus par la création d’une telle contravention ?
Nous devons être la risée de ces personnes que nous prétendons ainsi bousculer, si elles nous regardent !
Vous l’avez souligné, madame la secrétaire d’État, 97 % des prostituées sont étrangères, ce qui témoigne de la puissance des réseaux, dont certains sont même mafieux. Il est donc nécessaire de s’armer contre ce fléau.
J’en viens au délit de racolage, dont je suis le premier à considérer qu’il n’est pas parfait en soi. Jean-Pierre Godefroy l’a dit, n’étant pas examiné en procédure accélérée, le présent texte fera l’objet d’une navette. À voir la précipitation avec laquelle l’Assemblée nationale s’est prononcée pour l’abrogation de ce délit, je me demande si le rétablir ne constituerait pas une interpellation forte, obligeant à se poser les vraies questions, si l’on veut effectivement perturber les réseaux et remonter les filières.
Or une question fait l’unanimité : il s’agit non pas tant de savoir s’il faut pénaliser ou non les prostituées – cela n’est, je crois, la volonté de personne –, mais bien de pouvoir remonter les réseaux.
Mais cela supposerait une réelle volonté politique, afin que les forces de l’ordre puissent entrer en voie d’action et les magistrats en voie de sanction. Combien de fois, quand on les interroge, les policiers et les gendarmes nous confient devoir mobiliser leurs forces pour constituer des dossiers qui, pourtant, n’aboutissent que très rarement ! Par « dossier », j’entends la contravention de cinquième classe pour la pénalisation du client ou le délit de racolage.
L’état actuel du droit contraint donc les forces de l’ordre à établir des filatures qui peuvent les mener à l’exhibitionnisme. Pour que le dossier puisse aboutir, elles sont donc obligées de tordre le droit !
Allons encore plus loin, mes chers collègues. Les forces de l’ordre nous expliquent que, pour remonter une filière de prostitution, il faudrait pouvoir remonter tout le réseau. Or cette chaîne compte des maillons qui, en réalité, sont des fusibles ! Une personne mettant à disposition un véhicule ou des moyens de liaison, par exemple, n’est pas poursuivie.
Je rejoins donc Jean-Pierre Godefroy sur ce point, ce texte profitera – espérons-le – de la navette parlementaire pour être enrichi. Même la question du délit de racolage peut être approfondie, complétée.
Si le groupe UMP dépose cet amendement tendant à rétablir le délit de racolage, c’est que, sans lui, je vous le dis très sincèrement, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous adopterions un texte en état d’apesanteur.