Intervention de Jean-Pierre Godefroy

Réunion du 30 mars 2015 à 21h30
Prostitution — Article 16

Photo de Jean-Pierre GodefroyJean-Pierre Godefroy :

Comme je l’ai indiqué précédemment, j’aurais aimé que nous puissions aborder les articles 13 et 16 simultanément.

Au Danemark, une commission du code pénal est chargée de conclure à l’opportunité d’adopter ou de modifier une législation. Ce pays a renoncé à s’engager dans la voie de la pénalisation du client, estimant que les mesures adoptées en Suède et en Norvège étaient inopportunes et que, dans la pratique, la mise en œuvre d’un tel dispositif législatif avait une incidence défavorable sur le sort des personnes prostituées.

Le rapport de cette commission souligne en outre que, au regard des expériences suédoise et norvégienne, les effets positifs d’une pénalisation du sexe marchand seraient limités. Seules des actions intensives de la police – le rapport parle de raids, de razzias – pourraient avoir une efficacité, encore ne serait-elle que momentanée. Il ajoute que l’effet secondaire probable d’une interdiction serait de rendre le travail des prostituées plus difficile et de donner un pouvoir exorbitant au client. Certains services de police suédois ont confirmé à la commission que les femmes se prostituant loin des yeux sont plus souvent la cible de violences.

Les policiers danois, qui travaillent en collaboration avec leurs collègues suédois, ont une position très tranchée : ils estiment que consacrer du temps à la « chasse au client » serait au détriment de la conduite des enquêtes sur les trafiquants.

La pénalisation des clients rendra-t-elle les personnes prostituées moins dépendantes de ces derniers ? Personnellement, je ne le pense pas, car le client, courant le risque d’être sanctionné, sera au contraire en position de force dans la négociation avec la personne prostituée, qui devra malgré tout rapporter autant d’argent qu’aujourd’hui au réseau dont elle dépend. On risque ainsi d’aboutir au résultat inverse de celui que nous souhaitons.

En outre, il ne faudrait pas que l’adoption de telles dispositions ne conduise des personnes se prostituant aujourd'hui de façon indépendante à recourir, pour pouvoir continuer à travailler, à des réseaux. Il n’y aurait rien de pire que de faire tomber des personnes prostituées actuellement indépendantes dans les griffes des réseaux organisés !

J’ai suggéré à plusieurs reprises en commission de ne pénaliser que les clients des personnes prostituées sous contrainte. On m’objecte que ce ne serait pas praticable, mais j’estime que nous aurions dû travailler davantage le texte pour y introduire cette notion de contrainte, qui me paraît importante. Cela permettrait de lutter contre les réseaux, tout en garantissant aux personnes prostituées non soumises à contrainte de pouvoir exercer librement leur activité. Adopter une position brutale, de principe, de pénalisation des clients risque malheureusement de se retourner contre les personnes concernées. Tel n’est pourtant pas notre objectif.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion