Intervention de Jean-Pierre Godefroy

Réunion du 30 mars 2015 à 21h30
Prostitution — Article 16

Photo de Jean-Pierre GodefroyJean-Pierre Godefroy :

J’ai été frappé que l’on puisse donner à entendre que la pénalisation des clients aurait eu des effets très positifs en Suède. J’ai ici un rapport que l’on ne saurait considérer comme suspect, celui de la fondation Scelles, intitulé « La prostitution masculine en plein essor ». On y apprend que, « selon une enquête réalisée par le Conseil national de la jeunesse auprès de 2 254 jeunes Suédois, parue en novembre 2012, 2, 1 % des jeunes Suédois entre 16 et 25 ans et 0, 8 % des jeunes Suédoises ont indiqué s’être prostitués au cours de l’année 2012. Au total, ce serait près de 20 000 personnes […]. De plus, les jeunes sont aussi clients, car la moitié des clients de personnes prostituées de moins de 26 ans ont eux-mêmes moins de 26 ans. Cette tranche d’âge se montre donc particulièrement tolérante à la prostitution avec 21, 9 % des personnes interrogées, notamment les garçons, trouvant acceptable que leurs pairs aient des relations sexuelles moyennant rémunération. »

Par conséquent, je m’interroge sur la portée pédagogique de la pénalisation des clients…

Au Royaume-Uni, le client est aujourd’hui pénalisé en cas de prostitution sous contrainte. L’Irlande du Nord envisage de supprimer cette condition, pour élargir la pénalisation à l’ensemble des clients de personnes prostituées, ce que refusent l’Écosse, le Pays de Galles et l’Angleterre.

La solution britannique m’aurait convenu. L’introduction de cette notion de contrainte présenterait l’avantage de pénaliser les clients des personnes prostituées qui sont exploitées, tout en se conformant à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, qui a jugé en 2007 que l’on ne pouvait porter atteinte au principe de la libre disposition par chacun de son propre corps. Elle permettrait d’aboutir à un texte équilibré, mais ce sujet mérite une discussion précise.

Actuellement, les personnes prostituées n’ont certes pas beaucoup de moyens de se défendre, mais elles peuvent tout de même le faire et affirment être organisées à cette fin. À l’avenir, en cas de pénalisation du client, celui-ci, au motif qu’il prendra des risques en recourant aux services d’une personne prostituée, imposera ses conditions en termes de rémunération, de prestation et de lieu de la rencontre. Tout se déroulera dans la plus grande clandestinité, or rien n’est pire, pour une personne prostituée, que le huis clos.

Mon objectif n’est nullement de défendre le client ; il est au contraire de protéger les personnes prostituées des dangers que leur ferait courir la pénalisation du client.

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