Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous étions nombreux à espérer beaucoup de ce projet de loi relatif à la réforme de l’asile. Ma déception n’en est que plus grande quand je vois dans quelles conditions il a été examiné. La commission des lois n’a pu travailler sereinement, pour des raisons que je soupçonne d’être plutôt politiciennes. Nous allons examiner un texte capital par petits bouts, ce lundi soir, puis lundi prochain. Ce projet de loi, qui devrait être une expression privilégiée de l’humanisme fondant notre démocratie, valait mieux que cela, de même que la Haute Assemblée.
Qui peut rester insensible aux drames humains qui, ces dernières semaines, se jouent à nos portes ? Qui peut encore parler froidement de « chiffres de l’immigration », de « contrôle des flux migratoires », quand des milliers de migrants se noient en Méditerranée ? Qui peut refuser son empathie à ces centaines de milliers d’adultes et d’enfants qui fuient, chaque année, la guerre, la terreur, les catastrophes climatiques et que nous accueillons si peu et si mal ? Dans cette enceinte, qui sait ce que signifie quitter sa famille, ses amis, les couleurs et les odeurs de la terre où l’on est né ? Personne n’émigre ni ne demande de gaieté de cœur l’asile à un pays qu’il ne connaît pas.
Notre débat de ce jour doit s’élever au-dessus de la politique politicienne. Il exige, d’abord, de reconnaître l’intolérable détresse de ces êtres, menacés par des régimes dictatoriaux, qui s’exilent parce qu’ils ont pris des risques et qui font si souvent honneur au courage humain.
En commission, l’un d’entre vous, mes chers collègues, a affirmé récemment que, dans un tel débat, l’émotion ne devait pas interférer. Ce point de vue m’a beaucoup touchée, car je pense le contraire. Un législateur sans cœur est un arbre desséché.