Intervention de Esther Benbassa

Réunion du 19 mai 2015 à 14h30
Réforme de l'asile — Article 10

Photo de Esther BenbassaEsther Benbassa :

Le présent amendement vise plusieurs objectifs.

Il tend, d’abord, à porter le délai de jugement d’une affaire en procédure normale à six mois, et ce conformément aux recommandations du rapport du Sénat n° 130 du 14 novembre 2012.

Il a pour objet, ensuite, de porter le délai de jugement d’une affaire en procédure accélérée à trois mois. En effet, il ressort de l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, de l’article 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et du droit dérivé européen que, pour qu’un recours soit effectif, il doit l’être tant en droit que dans la pratique. Ainsi, si les délais de jugement ne doivent pas être excessifs, ils ne doivent pas non plus être expéditifs et empêcher un demandeur d’asile d’assurer convenablement sa défense.

Le Défenseur des droits préconise, dans son avis du 6 novembre 2014, que la réponse de la CNDA à la demande d’asile dans le cadre d’une procédure accélérée ne puisse se faire dans un délai inférieur à trois mois. Le délai de cinq semaines est donc parfaitement déraisonnable de l’avis de l’ensemble des acteurs du contentieux, qu’il s’agisse des avocats, des juges ou des rapporteurs.

Cet amendement a pour but, enfin, de permettre l’examen collégial de l’ensemble des recours soumis à la CNDA. En effet, cette dernière traite d’un contentieux particulièrement sensible, qui touche aux libertés fondamentales et nécessite des connaissances géopolitiques pointues, voire une expérience de terrain. Ce contentieux ne saurait donc être confié à un juge unique.

De surcroît, l’abandon de la collégialité aurait pour conséquence l’évincement du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, le HCR, de la formation de jugement, ce qui représenterait un appauvrissement considérable du droit d’asile en France, et serait surtout contraire à la directive 2013/32/UE du 26 juin 2013, laquelle prévoit la présence du HCR à chaque étape de la procédure d’asile.

Enfin, il faut rappeler que la CNDA est juge en premier et dernier ressort du contentieux de l’asile, le Conseil d’État, juge de cassation, n’exerçant qu’un contrôle en droit très limité, puisqu’il n’apprécie pas de nouveau les faits et les preuves. Une seule juridiction examine donc, dans la plénitude de ses attributions, la demande d’asile en fait et en droit. Il est par conséquent indispensable que cette juridiction soit collégiale.

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