Intervention de Joël Guerriau

Réunion du 19 mai 2015 à 14h30
Réforme de l'asile — Article 10

Photo de Joël GuerriauJoël Guerriau :

Les formations de jugement de la Cour nationale du droit d’asile sont actuellement composées d’un magistrat ainsi que de deux juges assesseurs non-magistrats qui l’assistent dans ses fonctions de président. L’un des assesseurs est une personnalité qualifiée nommée par le haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés, l’autre est nommé par le vice-président du Conseil d’État sur proposition de l’un des ministres représentés au conseil d’administration de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides.

La présence d’une personnalité ayant un lien avec la direction de l’OFPRA apparaît d’autant plus discutable que l’Office est partie prenante aux affaires jugées par la Cour, ce qui ne satisfait pas aux exigences françaises et européennes d’accès à une justice impartiale et équitable. Afin de lever toute suspicion de dépendance à l’égard de l’Office et de partialité, le projet de loi prévoit de nommer les assesseurs au regard de leurs compétences juridiques ou géopolitiques sans qu’ils soient proposés par l’un des ministres représentés au conseil d’administration de l’OFPRA. Cependant, comme l’avait préconisé le rapport du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques sur l’évaluation de la politique d’accueil des demandeurs d’asile paru en avril 2014 concernant l’exigence d’une professionnalisation accrue de la CNDA, l’intégration des rapporteurs actuels au sein de la formation de jugement, en lieu et place de ces assesseurs, renforcerait la cohérence de la jurisprudence et simplifierait significativement la gestion logistique des audiences.

Actuellement, les rapporteurs instruisent les dossiers de demande d’asile, présentent un rapport en audience sans prendre parti sur le sens de la solution à retenir. Ce sont eux également qui rédigent les projets de décisions prises. Contrairement aux assesseurs, qui ne sont présents à la CNDA qu’au jour de l’audience, les rapporteurs sont présents tout au long de la procédure et maîtrisent mieux les dossiers, ce qui a été souligné dans le rapport du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, ainsi que lors des débats devant l’Assemblée nationale. L’intégration des rapporteurs s’inscrit donc dans la continuité des réformes entreprises ces dernières années et qui visent à rapprocher le fonctionnement de la CNDA des juridictions de droit commun en matière d’étrangers.

Les rapporteurs sont des fonctionnaires ou des agents contractuels du Conseil d’État. Ils bénéficient des garanties d’indépendance attachées à la juridiction, lesquelles seront affirmées et renforcées par leur nomination par le vice-président du Conseil d’État sur proposition du président de la juridiction. Les assesseurs, eux, ne sont pas nécessairement des fonctionnaires en activité et sont dans une relation contractuelle avec la Cour, sans que cela ait jamais soulevé de contestation à ce jour.

L’intégration des rapporteurs au sein des formations de jugement permettrait de garantir aux requérants un examen de leurs recours par des personnes très spécialisées, pivots de la procédure et au fait de la jurisprudence en matière d’asile. Cette mesure permettrait aussi de faire des économies du fait de la suppression des vacations et de la prise en charge des frais de déplacement, voire d’hébergement, des assesseurs, remplacés par les rapporteurs. Ainsi serait supprimé le versement des indemnités aux assesseurs vacataires, qui représentent un coût global d’environ 450 000 euros. Cette solution permettrait d’utiliser les fonds actuellement alloués à la rémunération des assesseurs nommés sur proposition de l’administration au recrutement de nouveaux agents dont l’activité permettrait une réduction significative des délais de jugement.

Il s’agit donc d’une proposition de simplification, d’économie et d’efficacité.

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