Intervention de Esther Benbassa

Réunion du 18 mai 2015 à 14h30
Réforme de l'asile — Article 2

Photo de Esther BenbassaEsther Benbassa :

Monsieur le ministre, malgré l’amitié et l’estime que j’ai pour vous, je vous contredirai. Avant la déclaration de M. Valls, vous vous êtes prononcé pour les quotas sur l’antenne de RFI.

En tant qu’historienne, je tiens à établir un parallèle. M. Valls parle comme Henry Bérenger qui, en 1938, conduisait la délégation française à la conférence d’Évian convoquée par Roosevelt pour trouver une solution au problème des réfugiés juifs autrichiens et allemands. Henry Bérenger affirmait que la France n’avait pas les ressources nécessaires pour accepter les quotas. Le Royaume-Uni soutenait qu’après la crise de 1929 le chômage était tel qu’il ne pouvait accueillir les réfugiés et ne voulait pas non plus des quotas. Finalement, on a rendu ces gens à leurs bourreaux et vous connaissez la fin de l’histoire…

Répéter aujourd’hui – avec les mêmes mots – ce qui s’est passé en 1938, à la conférence d’Évian, me semble assez problématique.

Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas faire le talmudiste et chercher ainsi à établir une différence entre quota et répartition. Nous avons tous fait des études : la distinction ne va pas de soi. Vous faites de la rhétorique pour noyer le poisson ! Au regard du problème humanitaire auquel nous sommes confrontés, nous n’allons pas discuter avec la Syrie pour savoir si elle peut améliorer les conditions économiques sur son territoire afin que les candidats au départ renoncent à leur projet…

On ne peut pas faire de distinction et affirmer que les quotas sont pour les demandeurs d’asile et non pour les migrants qui viennent chercher du travail. Vous savez bien que la France est l’un des pays qui a accordé le moins l’asile par rapport à l’Allemagne, à la Suède et même à la Turquie.

La Turquie a accueilli 2 millions de réfugiés syriens, dont 225 000 dans trois camps situés à l’est du pays, à la frontière syrienne, où je me suis rendue. Ce n’est pas en ayant reçu 500 réfugiés syriens en 2014 que la France pourrait avoir rempli le moindre quota !

Essayons, pour une fois, face à des événements aussi dramatiques, de nous élever au-dessus de la politique politicienne.

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