« Aménagement : maître mot de l'action publique » ! Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, aménager un territoire est en effet l'une des responsabilités majeures des élus, à l'échelle de leurs collectivités, qu'il s'agisse des communes, des intercommunalités, des départements ou des régions.
La réussite des opérations d'aménagement qui se déroulent sur une longue durée passe par un portage politique puissant et une maîtrise d'ouvrage responsabilisée qui permettent d'anticiper, d'adapter les projets à l'évolution de la conjoncture et du marché.
A ce titre, l'aménagement et l'équipement du territoire ne peuvent se limiter à une simple approche économique qui relèverait du domaine concurrentiel.
C'est pourquoi de nombreuses collectivités se sont appuyées sur des sociétés d'économie mixte qu'elles ont mises en place. Les SEM ont apporté la transparence et la souplesse de gestion d'une société anonyme dans la réalisation des projets des collectivités.
Le rapporteur de la commission des lois, M. Jean-Pierre Sueur, a expliqué par le menu, voilà un instant, le feuilleton juridique auquel a donné lieu le fonctionnement des SEM.
Je m'en tiendrai donc à un bref rappel.
Depuis 2001, la Commission européenne demande à l'Etat français de justifier de la compatibilité avec le droit communautaire des modalités d'octroi des conventions d'aménagement.
Les réponses de la France n'ont pas satisfait la Commission, qui a saisi la Cour de justice des communautés européennes.
La position de la Cour a été clairement énoncée : pour respecter les règles fondamentales du traité de l'Union, tous les contrats publics, y compris ceux qui sont exclus des directives sur la passation des marchés, doivent faire l'objet d'une publicité adéquate, permettant une ouverture à la concurrence ainsi que le contrôle de l'impartialité des procédures d'adjudication.
La cour administrative d'appel de Bordeaux, dans un arrêt du 9 novembre 2004, s'est appuyée sur cette jurisprudence pour annuler une convention publique d'aménagement, instaurant de fait une incertitude juridique préjudiciable à l'ensemble des acteurs et faisant courir le risque d'une fragilisation des contrats en cours. Contrôle de légalité et recours d'un tiers pèsent désormais sur tous les projets d'aménagement public, dont l'essence est et doit demeurer de répondre à l'intérêt général.
Une réforme du régime des concessions s'imposait donc d'urgence, afin de conformer ce régime aux principes de transparence, de publicité et de mise en concurrence prévus par le droit européen.
Conscients de cette urgente nécessité, les parlementaires, toutes sensibilités politiques confondues, ont pris l'initiative dès le printemps de déposer, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, des propositions de loi en ce sens. Je suis moi-même coauteur de la proposition de loi n° 278, déposée le 5 avril dernier par le groupe socialiste.
Le Gouvernement a préféré présenter son propre texte, annoncé pour la fin mars par M. Gilles de Robien. C'est finalement sur le projet de loi présenté par M. Dominique Perben que nous allons nous prononcer aujourd'hui.
Si ce projet de loi est assez proche des différentes propositions de loi, on peut pourtant regretter le retard pris pour l'inscription à l'ordre du jour.
La discussion d'une proposition de loi voilà plusieurs semaines et la navette parlementaire qui serait alors intervenue auraient sans doute permis d'enrichir le contenu de la réforme proposée.
Aujourd'hui au contraire, pressés par le temps et soucieux de mettre en place rapidement la nouvelle procédure, nous allons, je n'en doute pas, devoir passer une fois de plus sous les fourches caudines du vote conforme.
Ce texte est perfectible, cependant. Le groupe socialiste a d'ailleurs déposé deux amendements, sur lesquels nous reviendrons tout à l'heure.
L'article 1er appelle plusieurs remarques.
Tout d'abord, il efface la distinction entre convention d'aménagement ordinaire et convention publique d'aménagement, pour créer des concessions d'aménagement désormais soumises aux règles de publicité.
Il porte en corollaire une nouveauté, puisque, désormais, tout concessionnaire, qu'il soit public ou privé, peut se voir accorder les prérogatives de puissance publique que sont les droits de préemption et d'expropriation. Ces droits n'étaient jusqu'alors délégués par la collectivité publique qu'aux seuls aménageurs publics.
Ce point n'est pas anodin. Il appartiendra à chaque collectivité publique d'être vigilante quant aux conditions dans lesquelles elle peut être amenée à déléguer à un aménageur privé - c'est une simple faculté, et non une obligation - les droits de préempter et d'exproprier, procédures lourdes de signification dans la mesure où elles portent atteinte au droit de propriété.
Ces procédures de préemption ou d'expropriation doivent naturellement être portées par le politique, pour être acceptées le mieux possible dans le cadre de la réalisation d'un projet d'intérêt général.
Ma seconde remarque concerne le renvoi au décret pour préciser les conditions de la procédure de publicité dans l'attribution des concessions d'aménagement.
Pour le groupe socialiste, il devait incomber au législateur de fixer ces règles et, à tout le moins, de fixer des seuils.
Nous nous félicitons du dépôt par le rapporteur de la commission des lois d'un amendement en ce sens, auquel nous nous rallierons bien volontiers.
Pour en finir avec l'article 1er, je rappellerai l'ajout positif des députés qui, sur proposition du rapporteur et du groupe socialiste, ont élargi les missions des aménageurs aux actions d'accompagnement social ou de promotion économique.
J'indiquais précédemment que le groupe socialiste avait déposé deux amendements : un amendement visant à insérer un article additionnel après l'article 6 et un amendement de suppression de l'article 10 nouveau.
Le premier amendement pose un problème de fond qui, je le sais, a été longuement débattu à l'Assemblée nationale, mais sur lequel nous tenons à revenir : il s'agit de la possibilité de créer des sociétés ne comportant pas d'actionnaire privé pour répondre aux critères du « in house » définis par la jurisprudence européenne.
Autrement dit, il s'agit de mettre à disposition un nouvel outil juridique d'aménagement et de maîtrise d'ouvrage : la société publique locale.
Le capital de cette société serait constitué en totalité de fonds publics émanant des collectivités territoriales et de leurs groupements, associés ou non à d'autres personnes publiques.
Pour illustrer l'intérêt de cet amendement, je voudrais signaler la situation actuelle de l'Hérault, situation dans laquelle se trouvent de très nombreux départements, j'en suis convaincu.
Nous avons décidé, politiquement, de maîtriser la SEM départementale, Hérault Aménagement, dont nous sommes actionnaire majoritaire avec 78 % du capital.