Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens en premier lieu à remercier et à féliciter le Gouvernement pour la promptitude avec laquelle il a inscrit ce projet de loi à l'ordre du jour. Nous connaissons en effet l'encombrement législatif traditionnel des sessions extraordinaires.
Avec un certain nombre de mes collègues du groupe UMP, j'ai déposé, voilà quelques semaines, une proposition de loi ayant un objet identique à celui du projet de loi qui nous est aujourd'hui soumis, ce qui démontrait l'urgence de légiférer en la matière.
Par ailleurs, vous retrouverez dans mes propos, avec quelques nuances, la belle unanimité que viennent d'afficher les précédents orateurs.
Ne nous y trompons pas. Le projet de loi était doublement nécessaire pour nos collectivités territoriales et les sociétés d'économie mixte dont elles sont membres.
Le texte était nécessaire pour clarifier la nature juridique de leurs actes en matière d'opérations d'aménagement, il était ainsi que pour sécuriser les conventions déjà passées.
Je ne reprendrai pas l'exposé parfaitement clair de M. le rapporteur et me limiterai à rappeler la chronologie des faits et les raisons qui nous ont conduits à légiférer afin d'instituer un régime unique de concessions d'aménagement. Il est bon de rappeler ces éléments.
Le 18 juillet 2001, la Commission européenne a demandé à la France de justifier de la compatibilité avec le droit communautaire des conditions et des modalités d'octroi des conventions d'aménagement prévues par l'article L. 300-4 du code de l'urbanisme.
En réponse, la France a produit un mémoire justifiant le caractère sui generis tant des conventions publiques d'aménagement qui confient aux aménageurs des prérogatives de puissance publique, que des conventions privées qui sont systématiquement négociées avec le propriétaire des terrains.
Insatisfaite de cette réponse, la Commission européenne a adressé à la France le 3 février 2004 un avis motivé sur le même sujet, développant des arguments similaires.
Comme l'a rappelé M. le rapporteur, l'évolution de la jurisprudence nationale, après celle de la jurisprudence communautaire, a finalement tranché le débat, puisque la cour administrative d'appel de Bordeaux a considéré, le 9 novembre dernier, qu'une concession d'aménagement conclue sans formalité préalable de publicité et de mise en concurrence était entachée de nullité.
En conséquence, dix jours plus tard, le Gouvernement français a informé la Commission européenne de son intention de réformer le régime des conventions d'aménagement. La Commission européenne a donc suspendu sa plainte auprès de la Cour de justice des Communautés européennes, et la France se trouve désormais dans l'obligation de réformer le régime des conventions d'aménagement dans les meilleurs délais.
Le présent projet de loi prévoit la création d'une catégorie unique de contrats d'aménagement ouverte à tous les acteurs publics ou privés. Ces concessions d'aménagement devront être conclues en respectant des procédures de publicité et de mise en concurrence.
A ce stade, je souhaite saluer le travail de nos collègues de l'Assemblée nationale, qui ont su apporter des précisions essentielles à ce projet de loi. Je pense notamment ici à l'élargissement du rôle dévolu aux concessionnaires, puisque les députés leur ont confié les missions dont l'accomplissement est nécessaire à l'exécution des opérations d'aménagement, ou à la précision selon laquelle la participation du concédant à l'opération d'aménagement doit s'entendre non pas seulement en termes d'apport financier, mais également en termes d'apport de terrains.
Surtout, nous accueillons avec soulagement la validation législative, au nouvel article 11, des conventions d'aménagement déjà passées qui ne respectent pas les règles, que nous édictons maintenant, qui vaudront à l'avenir en matière de publicité ou de mise en concurrence. Cette disposition, dont nous suggérions nous-mêmes, dans notre proposition de loi, l'introduction, sera de nature à sécuriser juridiquement les opérations d'aménagement déjà engagées. Il importait en effet de ne pas mettre en péril financier les collectivités territoriales et les sociétés d'économie mixte.
Il demeure un point que je souhaite plus particulièrement aborder, car il a trait directement aux opérations d'aménagement, sans pour autant être lié au projet de loi qui nous est soumis : il s'agit de la question de la nature juridique des sociétés d'aménagement.
Je tiens à rappeler que ces opérations d'aménagement ont une finalité non directement économique et qu'elles sont menées, sur l'initiative des décideurs locaux, à la seule fin de promouvoir, au bénéfice de nos concitoyens, un habitat adapté aux évolutions urbaines, enchevêtrant équipements publics et logements dans un environnement harmonieux et rénové.
Cette précision étant apportée, il convient de rappeler en quoi consistent exactement ces opérations. Il s'agit d'opérations intermédiaires entre les actions de planification urbaine en amont et la construction publique ou privée en aval. L'aménageur achète des terrains bruts, en général non viabilisés, pour les rendre constructibles et les revendre à des constructeurs.
Cette activité n'a pas de fin économique en elle-même et ne vise pas, habituellement, à réaliser un profit économique immédiat. C'est précisément en raison de cette absence de perspective de rentabilité que les collectivités territoriales éprouvent des difficultés à trouver des partenaires privés.
Or, en l'absence de partenaires privés, comment constituer une SEM, qui, par nature, regroupe des acteurs publics et des acteurs privés ?
Notre propos n'est pas ici d'ouvrir à nouveau le débat qui s'était engagé en 2000, devant notre assemblée, sur l'élargissement des marges de participation, entre un tiers et la totalité du capital des SEM, même si la France est le seul pays européen à prévoir à la fois un seuil minimal et un seuil maximal de participation des collectivités au capital social des SEM. Il nous semble raisonnable que les collectivités détiennent, d'une part, plus de la moitié du capital d'une telle société, et que, d'autre part, afin de garantir le principe de mixité, cette participation ne puisse être supérieure à 85 %.
Pourtant, sans rouvrir ce débat général sur le statut juridique des SEM, il nous paraît légitime de nous intéresser à la seule question de l'aménagement, en raison même de la nature non rentable de telles opérations, que nous avons précédemment évoquée.
A ce titre, l'amendement présenté par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale qui tendait à offrir aux collectivités un nouvel outil juridique, à savoir la société publique locale d'aménagement, sans revenir sur le régime des SEM, nous semblait particulièrement pertinent, d'autant que des améliorations techniques pouvaient être apportées au dispositif.
En créant une forme de société dont les actionnaires pourraient être, et même devraient être exclusivement, les collectivités territoriales ou leurs groupements, nous offririons aux élus locaux un moyen efficace de développer des projets d'aménagement de leur territoire, sans qu'ils soient obligés de trouver des partenaires privés, habituellement réticents à l'égard de ce type d'investissements, pour les raisons de manque de rentabilité que nous venons de mettre en exergue.
De telles sociétés publiques d'aménagement représenteraient une aubaine pour les collectivités territoriales, car leur gestion serait beaucoup plus souple que celle des établissements publics prévus par la loi « Borloo », tout en garantissant le respect des principes essentiels de transparence des comptes.
En effet, la création d'un établissement public passe par un processus long et complexe de dissolution de société et de transfert du personnel et des opérations à une nouvelle structure. Avec le statut que nous proposons, une simple opération affectant le capital permettrait de transformer une SEM en société publique d'aménagement.
Enfin, le champ d'intervention de ces sociétés serait strictement borné à ce type d'opérations d'aménagement, précisément définies à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme. De surcroît, leur action devrait se limiter au territoire des collectivités actionnaires. Avec cet encadrement, l'existence d'un tel statut juridique serait, à notre avis, une chance pour nos collectivités.
Monsieur le ministre, vous vous étiez engagé, devant l'Assemblée nationale, à mettre en place un groupe de réflexion sur ce thème. Vous avez tenu parole, puisqu'une première réunion s'est tenue au ministère des collectivités territoriales dès mardi dernier. Malheureusement, aucun membre du Sénat n'a été associé à cette première réflexion. Etant les représentants constitutionnels des collectivités territoriales, nous ne pouvons que le regretter. Nous acceptons toutefois de considérer que cette erreur n'est, sans doute, que la conséquence de la volonté du Gouvernement d'agir rapidement, au risque de limiter la concertation aux seuls députés auteurs de l'amendement en question.