Il s'agit ici d’un sujet important pour la commission des lois et pour le Sénat dans son ensemble. Nous discutons, en effet, de l’asile à la frontière et du contentieux qui lui est lié.
Mes chers collègues, les amendements n° 195 et 32 rectifié bis visent à supprimer le transfert du contentieux de l’asile à la frontière à la CNDA, mesure qui a été adoptée par la commission des lois sur proposition de votre serviteur.
Permettez-moi de rappeler la position de la commission. J’ai déjà soutenu cette disposition au travers d’une proposition de loi qui a été examinée au Sénat en 2009. La Haute Assemblée m’avait d’ailleurs fait l’honneur de l’adopter, sur les préconisations du rapport de notre ancien collègue Jean-René Lecerf.
Les arguments développés à cette époque sont toujours valables, en particulier une observation formulée par la commission sur le cadre constitutionnel de la nouvelle politique de l’immigration, présidée alors par M. Pierre Mazeaud. Dans son rapport, cette instance avait estimé que ce transfert de compétences « aurait l’intérêt d’unifier le contentieux des demandeurs d’asile sur un juge spécialisé, plus qualifié en la matière que le juge administratif de droit commun ».
Surtout, les effets de la décision de refus, à savoir l’éloignement de l’étranger, y compris dans son pays d’origine, portent potentiellement toujours atteinte au principe de non-refoulement posé par la convention de Genève.
À ces arguments s’en ajoutent de nouveaux, fondés sur les modifications qui ont été apportées, dans le cadre de l’article 8, au régime des décisions de refus d’entrée sur le territoire au titre de l’asile.
En premier lieu, la compétence du ministre chargé de l’immigration est désormais liée en cas d’avis favorable de l’OFPRA, sauf circonstance exceptionnelle de menace grave à l’ordre public. Or le juge naturel des décisions de l’OFPRA est bien la CNDA.
En second lieu, les motifs de refus d’entrée sur le territoire sont élargis aux irrecevabilités prévues au nouvel article L. 723-10, qui relèvent du contentieux de la CNDA en vertu de l’article L. 731-2, dans sa nouvelle rédaction issue de l’article 10 du présent projet de loi. Cela se justifie parce que ces irrecevabilités portent effectivement sur une question de protection internationale, qu’il s’agisse de la vérification d’une protection effective assurée par un autre État membre ou un État tiers, ou du caractère nouveau des éléments apportés à l’appui d’une demande de réexamen qui ne sont pas susceptibles d’augmenter « de manière significative la probabilité que le demandeur justifie des conditions requises pour prétendre à une protection ».
Ainsi, le transfert à la CNDA du contentieux des décisions de refus d’entrée sur le territoire prises sur avis conforme de l’OFPRA se justifie plus que jamais. C’est pourquoi votre commission a souhaité soumettre de nouveau au Sénat une proposition en ce sens.
J’émets donc un avis défavorable sur ces deux amendements.