Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi de notre collègue Éliane Assassi, visant à instaurer un moratoire sur l’utilisation et la commercialisation d’armes de quatrième catégorie et à interdire leur utilisation par la police ou la gendarmerie contre des attroupements ou manifestations.
Depuis plusieurs années, les écologistes souhaitent encadrer, voire interdire, toutes les formes d’utilisation de ces armes. À cet égard, je salue le travail des députés Noël Mamère, Yves Cochet et François de Rugy, d’une part, et de notre ancienne collègue sénatrice Dominique Voynet, d’autre part, qui ont déjà engagé cette réflexion en déposant deux propositions de loi similaires, respectivement en 2009 et en 2010, qui sont désormais caduques.
Mes chers collègues, le groupe écologiste se réjouit que nous soit donnée l’occasion de débattre de ce sujet grave. En effet, ces dernières années, de nombreux incidents ont mis en lumière la dangerosité des armes de catégorie B dont nos forces de police sont équipées – depuis 2002 pour le Flash-Ball et depuis 2006 pour le Taser. Il est temps que la représentation nationale se saisisse d’un problème devenu récurrent.
Depuis que le Flash-Ball est utilisé pour disperser des manifestants, plus d’une dizaine de personnes ont été grièvement blessées à l’œil, et ce malgré l’interdiction des tirs au-dessus de la ligne d’épaule. À Marseille, un homme est mort par arrêt cardiaque après avoir été touché au thorax. La gravité des blessures et des handicaps causés met ainsi en évidence un recours disproportionné à cet armement.
Compte tenu de l’imprécision des trajectoires des tirs, ainsi que de la gravité et de l’irréversibilité des dommages collatéraux manifestement inévitables que ces armes provoquent, il convient, selon les termes du Défenseur des droits, de « proscrire ou limiter très strictement l’usage du Flash-Ball dans le cadre de manifestations ».
Plus généralement, la commercialisation et l’usage de telles armes doivent être suspendus, de sorte que soient redéfinies les conditions de leur utilisation par rapport à leurs spécificités. En effet, d’une part, plus les tirs sont rapprochés, plus ils sont dangereux, et, d’autre part, plus ils sont éloignés, moins ils sont précis.
Il en est de même du pistolet à impulsion électrique, le Taser, employé en France par la police nationale et la gendarmerie depuis 2006 et par la police municipale depuis 2010. Les risques et les accidents liés à son utilisation sont nombreux.
Le premier risque est celui d’un usage abusif de l’arme. Le comité contre la torture des Nations unies a ainsi rappelé en 2010 que « l’usage de ces armes provoque une douleur aiguë, constituant une forme de torture ». Or l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales énonce que « nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »
Le second risque est lié aux conséquences de l’usage de cette arme sur la santé des personnes. Selon les données recueillies par Amnesty International et figurant dans un rapport publié en décembre 2008, quelque 334 personnes seraient mortes, depuis 2001, au cours de leur arrestation ou en détention aux États-Unis, à la suite de décharges infligées par des pistolets paralysants, un chiffre qui aurait augmenté pour atteindre les 500 morts en 2012.
En raison de ces risques, du manque de formation des agents et des conséquences que peut entraîner l’emploi d’un tel armement, il convient non seulement de suspendre l’utilisation de ces armes dangereuses et de réaliser un état des lieux, mais aussi de protéger le droit imprescriptible de manifester en interdisant l’utilisation de ces armes par la police et la gendarmerie nationales contre des attroupements et des manifestations.
Le tragique décès de Rémi Fraisse, venu manifester contre le barrage de Sivens, est la triste illustration de la disproportion des moyens parfois engagés par les forces de police – en l’occurrence, il s’agissait d’une grenade offensive – et nous oblige à prendre des mesures restrictives, sinon prohibitives !