Le Conseil d’État verra ainsi ses pouvoirs renforcés : il pourra suspendre les mesures contestées, les annuler, ordonner la destruction des renseignements recueillis, indemniser les victimes d’une surveillance irrégulière. La trame de ses décisions, revêtues de l’autorité de la chose jugée, permettra d’établir progressivement un guide précis de la légalité des autorisations données aux services spéciaux, auquel le Premier ministre devra se soumettre.
Chacun doit être bien convaincu, à commencer par les agents des services spécialisés eux-mêmes, que le Conseil d’État, à partir d’un accès illimité aux pièces du dossier, pourra intervenir vite et fort, en annulant les actes qu’il aura jugés illégaux et en ordonnant la destruction de tous les documents et informations irrégulièrement réunis.
La loi devra aussi reconnaître la place essentielle du juge pénal, que la CNCTR et le Conseil d’État devront pouvoir saisir.
En donnant sous de strictes conditions un cadre légal à des pratiques de renseignement aussi intrusives et exceptionnelles que la pose de micros dans des domiciles ou des bureaux, l’installation de balises dans des véhicules ou la captation à distance des données du disque dur d’un ordinateur, la loi rejettera dans la catégorie des délits les mêmes agissements mis en œuvre en dehors de ce cadre.
Elle ouvrira ainsi un nouveau champ d’action au juge pénal pour condamner et punir toute dérive illégale d’agents des services spécialisés. Tout ce qui n’entre pas dans le cadre légal pourra désormais relever du délit d’atteinte au respect de la vie privée ou de violation du domicile. La commission a souhaité que la loi le dise expressément.
Nous avons aussi voulu asseoir l’autorité de la Commission nationale en instaurant un délit d’entrave sanctionné par le juge pénal si un service de l’État refuse de répondre à ses demandes.
Enfin, si l’objet d’une demande de surveillance par une technique de renseignement relève en réalité de la police judiciaire, la demande devra être réorientée vers le procureur pour déclencher une enquête judiciaire.
Le Sénat aura à trancher de nombreuses autres questions : la protection des journalistes, des avocats et des parlementaires, le rôle du renseignement pénitentiaire, les délais de conservation des renseignements recueillis par les services, l’étendue et la portée du nouveau fichier antiterroriste, le cantonnement des procédures d’urgence à des situations réellement exceptionnelles, la mission spécifique des parlementaires dans la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, la place des lanceurs d’alerte...
Dans tous les cas, nous aurons à le faire en défenseurs des libertés, mais aussi avec le souci de l’efficacité de l’action publique, conscients de l’importance des enjeux d’intérêt national que nous avons à relever.
Fidèle à sa tradition, le Sénat entend ainsi être une fois de plus au rendez-vous de l’état de droit.