… laquelle, d’ailleurs, faisait de même !
De ce fait, le Parlement se trouve empêché d’accomplir son travail dans de bonnes conditions et de manière approfondie.
En son principe, l’initiative défendue par le Gouvernement, à savoir la volonté même de légiférer sur le renseignement, ne paraît, a priori, ni illégitime ni superflue.
Cela étant dit, deux questions essentielles méritent, aujourd’hui, d’être clairement posées : premièrement, le présent projet de loi répond-il réellement, concrètement aux attentes légitimes de nos concitoyens ? Deuxièmement, le détail de ses dispositions est-il bel et bien compatible avec l’esprit même de notre démocratie ?
Monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, les membres du groupe écologiste ne sont pas partis en guerre contre un texte qu’ils percevraient, en tant que tel, comme liberticide. Bien au contraire, ils s’efforceront d’être avant tout porteurs de propositions.
Les attentats de janvier ont bouleversé la France. En cet instant, je pense aux dix-sept victimes de ces attaques ainsi qu’à leurs familles. Je rends hommage aux millions de Français descendus dans la rue le 11 janvier pour crier leur indignation, leur attachement à la liberté d’expression, leur refus du racisme et de l’antisémitisme.
À nous de ne pas les décevoir. Que pouvons-nous faire, lucidement, pour éviter que cela ne se reproduise ?
La majorité actuelle a répondu aux attentats perpétrés par Mohamed Merah à Toulouse en mars 2012 par la loi du 21 décembre 2012 sur la sécurité et la lutte contre le terrorisme. Cette loi n’a pas empêché Mehdi Nemmouche d’assassiner quatre personnes au musée juif de Bruxelles le 25 mai 2014. Un nouveau texte a alors été voté en procédure accélérée le 23 novembre 2014, renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme. Deux mois plus tard, les 7 et 9 janvier 2015, nous étions confrontés aux massacres de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher de la porte de Vincennes.
Le tempo est donné. L’idée est d’agir vite, d’endiguer les peurs, et de parer au mieux les critiques envers les services de renseignement, qui fusent dans les médias. Le projet de loi dont nous débattons n’a pas d’autre genèse. Il viendrait, en outre, légaliser des pratiques qui ont déjà cours. Si tel était le cas, pourquoi n’ont-elles pas empêché la perpétuation des actes terroristes ? Pourquoi les légaliser si elles n’ont pas prouvé leur efficacité ? Ne peut-on se poser la même question concernant tous les textes antiterroristes antérieurs, qui, eux non plus, n’ont pas été efficaces ?
De toute évidence, le cadre répressif systématiquement privilégié dans notre lutte, certes légitime, contre le terrorisme peine à donner des résultats. Au lieu de combiner cette action répressive avec d’autres, on se contente d’empiler des textes d’inspiration identique, supposés rassurer les Français. On appelle cela une fuite en avant, de l’affichage, ou les deux !
Mais ce projet de loi va plus loin. Ne se limitant pas à la lutte contre le terrorisme, il s’immisce dans de vastes espaces de la vie sociale. Il menace d’empiéter sur nos libertés individuelles et professionnelles. Il met notre démocratie en danger. En cela, il accorde, hélas ! une victoire posthume aux terroristes eux-mêmes.
Aurons-nous seulement les moyens humains et techniques adaptés, proportionnels, pour traiter, comme le fait le Pentagone, les données massives auxquelles nos services de renseignement auront accès ?
Faut-il d’ailleurs ajouter, au passage, que la NSA elle-même a dû suspendre provisoirement son programme de collecte massive des métadonnées téléphoniques, faute d’accord avec le Sénat américain ?
On sait où commence la course au renseignement mais on ne sait pas toujours où elle aboutit. Les lecteurs du Monde daté du 31 mai ont pu découvrir, page 2, comment Paris a fourni à Berlin une technologie qui a permis aux Allemands et aux Américains de surveiller – devinez qui ! – les Français et leur industrie !
Nous faisons aujourd’hui le pari – risqué – que les gouvernements à venir seront dignes de la confiance que nous voulons bien accorder au vôtre, monsieur le Premier ministre, et qu’ils n’abuseront pas de ce texte pour nous enfermer dans une sorte de prison virtuelle, nous surveillant en permanence, au mépris de nos libertés, au mépris, tout simplement, de notre humanité.