Je crois que nous pouvons aboutir à un équilibre permettant l’efficacité des dispositifs tout en s’éloignant nettement de la surveillance généralisée de tous nos concitoyens, notamment en ce qui concerne les données de connexion. Le travail important réalisé par la commission des lois sur le nouvel article L. 851-1 du code de la sécurité intérieure doit nous convaincre que les écoutes ne seront pas permanentes et ne concerneront pas tout le monde.
La commission des lois, dans la tradition de notre assemblée, a toujours veillé à la protection de la vie privée et à garantir les libertés publiques. C’est pourquoi elle a considérablement renforcé le contrôle de la CNCTR, qui, pour être efficace, ne doit pas disposer d’une équipe pléthorique. Plus les membres de la commission seront nombreux, moins elle sera efficace, j’en suis convaincu. Regardez le travail accompli par la CNCIS avec une petite équipe : elle a toujours su exercer ses responsabilités, même dans l’urgence absolue.
Par ailleurs, je me réjouis bien entendu que la proposition de loi organique soumette la nomination du président de la CNCTR à la procédure prévue à l’article 13 de la Constitution. C’était indispensable, et c’était déjà le cas pour le président de la CNCIS.
J’insisterai aussi sur la nécessité pour la CNCTR, comme c’est le cas actuellement pour la CNCIS, de disposer de tous les éléments de mise en œuvre des diverses techniques. Personnellement, je pense qu’il serait dommageable, même en cas d’urgence absolue – que l’on peut du reste difficilement distinguer de l’urgence –, de s’abstraire de tout contrôle, hormis le cas des mesures de surveillance internationale, qui font l’objet de dispositions spécifiques au nouvel article L. 854-1 du code de la sécurité intérieure.
La limitation de la durée des autorisations constitue l’une des meilleures garanties des libertés. On doit veiller à ce que les productions soient traitées rapidement, faute de quoi elles ne servent à rien. Leur stockage sans traitement suscite alors de véritables interrogations. En tout cas, cette limitation ne peut servir d’alibi à un manque de moyens. M. le Premier ministre nous a annoncé que les moyens seraient là…
Il est également indispensable de veiller à la définition des catégories relatives à la défense et à la promotion des intérêts fondamentaux de la nation, au premier rang desquelles figure bien entendu le terrorisme. Une définition précise est indispensable : je vous renvoie, à ce titre, au texte du nouvel article L. 811-3 du code de la sécurité intérieure.
Si le projet de loi traite d’abord du renseignement, on n’aurait garde d’oublier qu’il comporte un volet sur le terrorisme, en complément de la loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme de novembre 2014, que nous avions largement approuvée, et sur le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions terroristes. En outre, le texte donne de nouvelles attributions à la délégation parlementaire au renseignement, ce qui, après la période d’acclimatation qu’a connue l’institution – j’ai été l’un des premiers présidents ès qualités de cette délégation parlementaire –, est tout à fait envisageable. Un climat de confiance s’est désormais institué entre le Parlement et les services de renseignement.
En définitive, le projet de loi, qui, je l’espère, rencontrera une large adhésion, est équilibré grâce notamment à la contribution du Sénat sur la protection de la vie privée. Il doit permettre aux agents des services de renseignement, dont la tâche est souvent méconnue par l’opinion publique, mais indispensable et parfois dangereuse, d’avoir une règle de conduite claire et cohérente à laquelle ils devront se tenir. C’est pourquoi notre groupe soutiendra le texte de la commission des lois, en souhaitant vivement que l’évaluation du fonctionnement de ces dispositifs puisse intervenir dans des délais raisonnables. Qu’une loi soit bonne ou mauvaise, elle doit être évaluée ! La loi relative au renseignement ne sera une bonne loi qu’à condition de bien respecter toutes les garanties nécessaires aux libertés publiques.