Le 10 juin dernier, la commission mixte paritaire a achoppé sur les moyens à mettre en oeuvre pour éviter tout dévoiement du droit d'asile et pour éloigner les personnes déboutées de leur demande. Avec Mme Mazetier, rapporteure de l'Assemblée nationale, nous avons cependant réussi à rapprocher nos positions pour faire évoluer le texte sur un certain nombre de sujets. Souhaitant poursuivre cette démarche constructive, je vous propose de prendre acte des points d'accord entre les deux rapporteurs et d'adopter des amendements susceptibles d'être repris à l'Assemblée nationale, sans renoncer à certains points indispensables à un traitement rapide des demandes d'asile.
Nos efforts conjugués ont abouti à un vote conforme en première lecture de cinq articles : les articles 1er et 11 modifient des intitulés ; l'article 9 A tire les conséquences de la décision du Conseil d'État sur les demandes d'asile en rétention et garantit une assistance juridique et linguistique à la personne étrangère ; l'article 16 bis incite les communes à accueillir des centres d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA) et l'article 22 donne la possibilité aux agents contractuels de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) d'accéder à la fonction publique.
L'Assemblée nationale a adopté conformes en nouvelle lecture six dispositions introduites ou modifiées par le Sénat, comme l'article 1er bis qui oblige à préciser dans le rapport sur les orientations pluriannuelles de la politique d'immigration et d'intégration le nombre d'étrangers ayant obtenu le statut d'apatride, l'article 6 bis, l'article 9 B qui autorise l'accès des délégués du Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) ou de ses représentants aux lieux de rétention administrative. Elle a surtout adopté conforme l'article 14 ter qui impose, dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), l'obligation de quitter le territoire français si la demande d'asile est refusée ou si la personne ne bénéficie pas du droit de se maintenir sur le territoire durant l'examen de son recours devant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Nous voulions que la décision définitive de l'OFPRA, le cas échéant validée par la CNDA, vaille obligation de quitter le territoire national, mais nous nous étions ralliés à un amendement que le Gouvernement a déposé en séance et que les députés ont adopté à leur tour. J'aurais préféré vous proposer d'introduire un délai pour que le préfet prenne cette décision le plus rapidement possible, mais l'Assemblée ayant voté conforme, nous ne pouvons y revenir.
L'article 16 ter intègre les centres d'accueil pour demandeurs d'asile dans le périmètre de recensement des répertoires du logement locatif des bailleurs sociaux et l'article 19 bis étend l'obligation de motivation du refus de visa aux membres de la famille des bénéficiaires de la protection subsidiaire ou des apatrides, alignant ce régime sur celui du regroupement familial des réfugiés.
Je propose l'adoption conforme des articles 4, 4 bis, 5, 7 bis, 18 et 19 ter issus du texte de l'Assemblée nationale, au sujet desquels nous nous étions entendus avec Mme Mazetier avant la commission mixte paritaire, ainsi que des articles 12, 16, 19, 20 et 21 sur lesquels des modifications pertinentes ont été apportées. De la même manière, la rédaction de l'article 9, relatif aux recours en rétention, a été améliorée, mais c'est bien la version du Sénat qui a été retenue. Je vous proposerai à ce sujet une modification supplémentaire que l'Assemblée nationale pourrait reprendre en dernière lecture.
Nous ne pourrons cependant pas tomber d'accord sur la nature de la compétence de l'OFII et de l'OFPRA, sur la participation des parlementaires à des organismes extérieurs et sur les moyens à mettre en oeuvre pour éviter le détournement des procédures.
L'Assemblée nationale a écarté toute compétence liée de l'OFPRA en matière de retrait ou de refus de la qualité de réfugié (article 2) ou du bénéfice de la protection subsidiaire (article 3). Il était pourtant nécessaire de nous conformer aux engagements internationaux pris par la France et de distinguer la qualification des faits - avec toute liberté d'instruction des demandes d'asile par l'OFPRA - et ses conséquences juridiques. De même, l'Assemblée a laissé, à l'article 15, une compétence souveraine à l'OFII pour suspendre, retirer ou refuser le bénéfice des conditions matérielles d'accueil ; nous estimons au contraire qu'une compétence liée n'exonère pas l'administration d'un examen individuel des circonstances.
La participation des parlementaires à des organismes extérieurs au Parlement reste un point compliqué entre nos deux assemblées, que ce soit à l'article 5 bis ou à l'article 17, relatifs à la composition des conseils d'administration respectifs de l'OFPRA et de l'OFII. L'Assemblée souhaite multiplier de tels postes, nous souhaitons les limiter.
Nous sommes clairement en désaccord avec l'Assemblée nationale sur les moyens d'éviter le détournement des procédures. Les députés ont supprimé, à l'article 7, le délai de trois mois accordé à l'OFPRA pour statuer sur une demande d'asile en procédure normale, ainsi que la faculté de l'OFPRA de clore une demande d'asile en cas d'abandon de son hébergement par un demandeur que nous avons rétablie pour éviter tout dévoiement de la procédure.
Il est de notre responsabilité d'assurer l'effectivité des décisions de transfert et de refus à l'issue d'une instruction équilibrée par les services de l'État avec audition des demandeurs. Je souhaite le rétablissement du délai de sept jours initialement prévu à l'article 13 pour former un recours contre une décision de transfert des demandeurs d'asile dont l'examen de la demande relève d'un autre État. Notre commission avait introduit à l'article 14 bis un dispositif d'accompagnement - les centres de retour - pour éloigner les personnes déboutées, qui n'a pas été conservé par l'Assemblée. Celle-ci a supprimé de même l'article 19 quater qui restreignait, conformément à une jurisprudence du Conseil d'État, les conditions dans lesquelles un étranger débouté de sa demande d'asile pouvait solliciter un hébergement d'urgence.
Je regretterai longtemps que l'Assemblée n'ait pas retenu le principe du transfert du contentieux de l'asile à la frontière à la CNDA. Telle est la situation après cette commission mixte paritaire infructueuse.