Intervention de François-Noël Buffet

Réunion du 7 juillet 2015 à 14h30
Réforme de l'asile — Discussion en nouvelle lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de François-Noël BuffetFrançois-Noël Buffet :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, notre assemblée est de nouveau amenée à examiner le projet de loi relatif à la réforme du droit d’asile, cette fois en nouvelle lecture, après que la commission mixte paritaire, qui s’est réunie le 10 juin 2015, a constaté qu’elle ne pouvait élaborer un texte commun, en raison de plusieurs désaccords sur les moyens à mettre en œuvre pour préserver le droit d’asile de tout dévoiement et pour assurer l’éloignement des personnes déboutées de leur demande d’asile.

Permettez-moi, à cette occasion, de formuler quelques observations.

Je tiens tout d'abord à signaler que les rapporteurs de chacune des deux chambres, Mme Sandrine Mazetier, pour la commission des lois de l’Assemblée nationale, et moi-même, pour celle du Sénat, ont essayé de rapprocher leurs points de vue. D’ailleurs, Mme Mazetier s’est souvent inspirée de certaines propositions que nous avions émises lors des discussions préalables à la réunion de la commission mixte paritaire ; à de nombreux moments de l’examen du texte en nouvelle lecture, elle a appelé ses collègues députés à adopter, parfois de manière conforme, des dispositions introduites ou modifiées par le Sénat en première lecture.

Souhaitant poursuivre cette démarche, que nous voulions constructive, notre commission des lois a pris acte, lors de l’établissement de son texte, des points d’accord sur lesquels les deux rapporteurs avaient pu s’entendre. Elle a, par ailleurs, adopté des amendements susceptibles d’être repris par l’Assemblée nationale lors de sa lecture définitive, afin d’améliorer encore certains dispositifs.

Cependant, nous n’avons pas renoncé à certaines dispositions qui nous paraissent indispensables à la réussite de la réforme du droit d’asile : en effet, pour atteindre l’objectif d’un traitement plus rapide des demandes, le législateur ne peut faire l’économie de mesures à même de décourager les tentatives de détournement de la procédure d’asile à d’autres fins.

Je veux tout d'abord rappeler que des efforts conjugués ont permis des avancées.

Ainsi, cinq articles ont été adoptés de manière conforme avant la réunion de la commission mixte paritaire et six après celle-ci – il s’agit des articles 1er bis, 6 bis, 9 B, 14 ter – il est important –, 16 ter et 19 bis.

J’insiste sur l’article 14 ter, qui concerne l’obligation de quitter le territoire national. Je rappelle que le Sénat, en première lecture, avait souhaité que, lorsqu’une décision négative définitive de l’OFPRA ou de la CNDA était rendue, celle-ci valût obligation de quitter le territoire national. L’Assemblée nationale ne nous a pas suivis sur ce point.

Toutefois, au Sénat, le Gouvernement, en première lecture, a déposé un amendement, qui tend à inscrire dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le CESEDA, la faculté de prononcer une obligation de quitter le territoire français à l’encontre d’une personne déboutée d’une demande ou ne bénéficiant pas du droit de se maintenir sur le territoire durant l’examen de son recours devant la CNDA.

Cet amendement a été voté par le Sénat et il a également été adopté conforme par l’Assemblée nationale à l’occasion de la nouvelle lecture. Il convient de le noter, car c’est à la faveur des débats que nous avons menés ici sur l’obligation de quitter le territoire national que le Gouvernement s’est finalement rapproché de la position de la majorité sénatoriale, permettant une avancée qui ne figurait pas dans le texte initial.

Cette avancée n’est sans doute pas suffisante : nous aurions aimé aller plus loin, notamment sur les délais dans lesquels cette décision peut être prise. À cet égard, il me semble que nous devrons saisir l’occasion du texte relatif au droit des étrangers en France, qui sera examiné par notre assemblée au mois de septembre prochain, pour compléter ce dispositif.

En tout état de cause, je veux insister sur le rôle incontestable qu’a joué la majorité sénatoriale dans cette avancée, conjointement avec le Gouvernement – je le dis bien volontiers.

En nouvelle lecture, d’autres parties du texte ont été adoptées par notre commission, dans leur rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale. Il s’agit des articles 4, 4 bis, 5, 7 bis, 18 et 19 ter, ainsi que des articles 12, 16, 19, 20 et 21, ces derniers comportant des modifications qui nous paraissaient intéressantes et méritant d’être conservées.

Restent et persistent des points de désaccord. Sur quatorze articles votés par le Sénat en première lecture, il n'est pas apparu possible de faire converger les points de vue avec nos collègues de l’Assemblée nationale. Je pense, en particulier, à la nature de la compétence de l’OFII et de l’OFPRA. Sans entrer dans le détail, je rappelle que nous avons débattu très longuement de ce sujet, notamment de la conséquence juridique des qualifications données aux faits par ces organismes, notamment par l’OFPRA. Ce sujet nous paraît extrêmement important.

En clair, si l’OFPRA a toute latitude pour apprécier la vérité des faits dans l’instruction des demandes d’asile, ce qui implique une appréciation de caractère subjectif, le Sénat estime qu’il doit avoir compétence liée dans les décisions qui tirent les conséquences des constats qu’il établit. Or le texte prévoit que l’OFPRA peut décider d’accorder ou de rejeter les demandes d’asile, quand nous estimons qu’il ne doit pouvoir que rejeter la demande si les conditions pour bénéficier de la protection ne sont pas remplies.

La participation de parlementaires à des organismes extérieurs au Parlement pose également problème. Le Gouvernement souhaite que davantage de parlementaires siègent dans ces organismes, donc à l’OFPRA ou à la CNDA. Contrairement au Gouvernement, nous considérons que les parlementaires sont d'ores et déjà très occupés et qu’il ne serait pas satisfaisant de les nommer dans des organismes où ils pourraient ne pas siéger effectivement.

Enfin, nous sommes en désaccord sur l’encadrement des procédures, en particulier sur l’inscription dans la loi du délai de trois mois imparti à l’OFPRA pour statuer sur une demande d’asile en procédure normale et sur la faculté, pour celui-ci, de clôturer l’examen d’une demande d’asile en cas d’abandon de son hébergement par un demandeur d’asile.

En outre, nous regrettons de n’avoir pas été suivis, en première lecture, sur la création de centres de retour, introduite dans le texte de la commission sur l’initiative de notre collègue Valérie Létard. La commission des lois a décidé de proposer à nouveau la création de ce dispositif à l’article 14 bis.

Un autre désaccord porte sur l’article 19 quater, qui retranscrit dans les textes la jurisprudence du Conseil d’État en matière d’inconditionnalité de l’hébergement d’urgence pour les déboutés du droit d’asile.

Voilà dans quelles circonstances la Haute Assemblée est amenée à examiner de nouveau ce texte en nouvelle lecture.

Nous aurons à examiner trente-deux amendements. Une partie d’entre eux sont des amendements rédactionnels ou de coordination – il en va ainsi notamment des amendements du Gouvernement. D’autres visent à rétablir ce que le Sénat avait voté avant la réunion de la commission mixte paritaire.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion