Dans certains pays, nous récoltons ce que nous avons semé. Ainsi, la Syrie est le pays qui compte actuellement le plus de déplacés : quelque 7, 6 millions d’habitants ont dû, forcés par la guerre, changer de lieu d’habitation dans le pays. Selon le dernier rapport du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, la Syrie détient même l’affligeant record du plus grand nombre de déplacés jamais enregistré dans le monde : presque 4 millions de réfugiés.
L’Europe elle-même n’a pas encore pu trouver de solution, comme le débat européen sur les migrants l’a attesté de manière explosive. Alors que quelque 40 000 demandeurs d’asile sont arrivés en Italie et en Grèce depuis le 15 avril dernier et que des centaines se massent dans la frontalière Vintimille, que faut-il faire ? La question reste pendante.
Les deux assemblées se sont accordées sur certaines dispositions importantes du projet de loi, en particulier sur son article 16 bis, qui permet aux communes de prendre en compte dans le calcul du seuil minimal de logements locatifs sociaux rendu obligatoire par la loi dite « SRU » les places offertes dans les centres d’accueil pour demandeurs d’asile, et sur son article 16 ter, qui instaure un droit d’accès du délégué du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés aux lieux de rétention administrative.
Elles se sont également entendues sur l’article 6 bis du projet de loi, qui permet la communication au procureur de la République des informations ayant conduit au rejet définitif d’une demande d’asile fondé sur une clause d’exclusion.
Si les sujets de désaccord ponctuels entre l’Assemblée nationale et le Sénat ont été légion, nous restons persuadés que les deux chambres avaient les moyens de se mettre d’accord, à condition de faire preuve d’un peu de raison et, au fond, de bon sens.
Plusieurs points retiennent notre attention.
Tout d'abord, contrairement à l’Assemblée nationale, le Sénat est favorable à une déconcentration de l’OFPRA à titre expérimental, et nous le sommes également. Cette proposition de bon sens, issue du rapport de notre collègue Valérie Létard, a remporté l’adhésion des associations.
Aujourd’hui, l’OFPRA est situé en Île-de-France et elle dispose également d’une antenne en Guadeloupe pour les départements d’Amérique. De ce fait, la convocation de tous les demandeurs a lieu dans les locaux parisiens, à l’exception notable des personnes placées dans les centres de rétention administrative de Lyon et de Toulouse et des nombreuses demandes en Guyane et à Mayotte, qui font l’objet d’entretiens par visioconférence. L’installation de l’OFPRA dans les principales régions d’accueil des demandeurs doit permettre de les auditionner plus rapidement et de réduire par là même les délais de traitement, conformément aux objectifs du présent projet de loi.
Cette déconcentration participe de l’objectif de réduction des délais visé par le projet de loi, au même titre que deux des mesures votées par le Sénat, mais écartées par l’Assemblée nationale : l’inscription dans la loi du délai de trois mois imparti à l’OFPRA pour statuer sur une demande d’asile en procédure normale et la faculté pour cette autorité de clôturer l’examen d’une demande d’asile en cas d’abandon de son hébergement par un demandeur d’asile.
Nous le savons néanmoins, le principal point d’achoppement est l’article 14, qui traite du sort des déboutés. En effet, que faire une fois le demandeur d’asile définitivement débouté ? Le texte n’a pas trouvé de solution, même s’il est vrai que les solutions en la matière sont non pas législatives, mais avant tout politiques et administratives.
Certains d’entre nous ont déjà eu l’occasion de souligner les interrogations soulevées par la solution adoptée par le Sénat. La Haute Assemblée a souhaité que le rejet définitif d’une demande d’asile vaille obligation de quitter le territoire français sans possibilité de solliciter le maintien sur le territoire. Seulement, quid de la conventionalité d’une telle disposition au regard, par exemple, du principe international de droit à une vie familiale ?
La potentielle condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme, mais aussi l’engagement de la responsabilité de notre pays pour des lois non conventionnelles, ne sont pas des éléments qui peuvent être balayés d’un revers de la main.
Enfin, nous nous inscrivons également en porte à faux par rapport à la conception que se fait la Haute Assemblée du conseil d’administration de l’OFPRA. Nous sommes convaincus de l’opportunité de la présence de parlementaires au sein d’organismes extérieurs au Parlement, dans un souci évident de contrôle démocratique, mais aussi pour garantir une bonne connaissance du terrain.
Plus les demandeurs attendent la décision d’admission ou de rejet, plus les CADA sont engorgés, plus le coût de l’hébergement d’urgence augmente et plus les prestations financières et sociales sont lourdes pour les demandeurs d’asile et notre pays. L’efficience et la réduction du coût de l’exercice du droit d’asile pour notre pays dépendront donc toutes les deux de l’efficacité de la loi issue du processus législatif.
Dans ces conditions, les membres du groupe RDSE maintiendront leur position et leur vote exprimés lors de la précédente lecture.