Heureusement, je suis entouré de « petites mains » expertes en l’utilisation de l’outil informatique…
Le Journal officiel constitue le bréviaire quotidien de tout un chacun dans les administrations françaises, centrales et territoriales. La vie parlementaire, nourrie de nos tergiversations, de nos débats et parfois de nos divergences quotidiens, joue évidemment un rôle très important.
Depuis la Révolution française, la loi promulguée est portée à la connaissance des citoyens par sa publication. Cela tendait alors à rompre avec les pratiques arbitraires de l’Ancien Régime, marquées par l’absence d’unité, dans le fond comme la forme, de l’élaboration des normes.
Héritier de la Gazette nationale ou du Moniteur universel, puis publication officielle de la République, dont il résume la vie juridique, le Journal officiel de la République française a pris, depuis 1881, la suite du Journal officiel de l’Empire français, en même temps qu’était consacrée la liberté de la presse en France. Beau symbole de la vie démocratique, l’austérité du Journal officiel constitue la garantie par excellence du respect du principe d’accès au droit, permettant de donner une portée concrète au vieil adage selon lequel « nul n’est censé ignorer la loi » !
Si, pendant la Commune de Paris, ont coexisté deux éditions, publiées l’une à Paris, l’autre à Versailles, ce sont aujourd’hui deux versions bien différentes du Journal officiel qui se côtoient et se complètent depuis 2004 : la version sur papier et celle sous forme électronique. Cette dernière, en allégeant le contenu de la version papier et en offrant un accès plus simple et plus direct, a permis d’élargir le public du Journal officiel.
L’évolution rapide des technologies et de l’accès à l’information rend aujourd’hui inéluctable la dématérialisation du Journal officiel. Aussi le groupe du RDSE approuve-t-il le principe des présentes propositions de loi, qui permettent un énième petit pas sur le grand chemin de la simplification numérique.
La baisse régulière du nombre d’abonnés à la version papier, lequel s’établit en 2015 à 2 260 et correspond, à hauteur de 90 %, à des administrations, est significative à cet égard. Avec l’administration numérique, les citoyens ont vu leur vie quotidienne amplement simplifiée, puisque nombre de démarches se font désormais en ligne : impôts, carte grise, permis de conduire, etc.
Toutefois, parce que nul n’est censé ignorer la loi et que cette dernière doit être en tout état de cause accessible à tous, nous avons proposé de conserver la possibilité, pour tout administré, de demander à l’administration communication sur papier de l’extrait concerné du Journal officiel de la République française. Cette disposition, approuvée à une large majorité en commission, est de bon sens et de facture modeste. Elle constitue une transition équilibrée vers la dématérialisation complète, dont elle ne remet pas en cause le principe. Elle doit garantir l’accès au Journal officiel, notamment pour les personnes physiques privées d’accès à internet en raison de l’existence de zones blanches ou grises en matière de couverture numérique. Rappelons que, selon les chiffres cités par M. le rapporteur, que je trouve d’ailleurs optimistes, seulement 83 % des ménages avaient, en 2014, accès à internet. Ce taux est important, mais une minorité, qui a cependant tout autant droit que le reste de la population à accéder au droit, se trouve laissée de côté.
La dématérialisation pose des difficultés nouvelles, en même temps qu’elle résout des problèmes anciens. La protection de la vie privée des individus en est une. Plusieurs dispositifs techniques ont été annoncés par le Gouvernement, dans le respect des préconisations de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, ce que nous approuvons.
Le coût écologique est une autre difficulté, même s’il s’agit selon moi d’une tarte à la crème. En effet, si la dématérialisation permet de réduire la déforestation, elle est fortement consommatrice d’énergie, pas forcément « propre ». Le papier a un coût, celui de la déforestation, mais il faudra également s’interroger un jour sur la dépense énergétique liée à l’utilisation d’internet : internet n’est virtuel qu’en apparence, puisque sa fréquentation requiert des équipements très concrets qui consomment beaucoup d’énergie, à commencer par les serveurs et les centres de stockage des données. Pour une année, la dépense énergétique nécessitée par l’expédition du courrier électronique d’une entreprise de cent personnes équivaut à quatorze aller-retour Paris-New York. Les data centers, qui regroupent les serveurs indispensables à la circulation des 300 milliards de courriels envoyés quotidiennement, peuvent consommer autant d’énergie qu’une ville de 200 000 habitants.
Par ailleurs, nous le savons, la dématérialisation complète peut poser des problèmes en matière d’archives historiques. Quelle postérité pour ces centaines de milliers de données virtuelles ?
Le début de la navette parlementaire a ainsi permis d’engager un débat sur l’ère numérique et ses conséquences sur la vie de nos concitoyens. Le groupe du RDSE apportera son soutien à ces textes, dont la version adoptée en commission par la Haute Assemblée préserve le droit au droit pour l’ensemble de nos concitoyens, qu’ils disposent ou pas d’un accès à internet.
À cet égard, je salue l’approche très mesurée de la commission des lois et de son rapporteur. La dématérialisation présente d’énormes avantages, mais il convient de ne pas en nier les écueils. Je félicite donc M. le rapporteur et M. le président de la commission du travail de précision accompli. Malgré mon sentiment personnel, je suivrai la position de mon groupe.