Intervention de Philippe Bas

Réunion du 27 octobre 2015 à 21h30
Surveillance des communications électroniques internationales — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Philippe BasPhilippe Bas :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà un débat que nous pensions avoir achevé au mois de juillet dernier et qui a été relancé par la décision du Conseil constitutionnel.

Le Conseil constitutionnel n’a pas jugé que les choix retenus contrevenaient à des droits fondamentaux ; il a considéré que le Parlement n’était pas allé au bout de l’exercice de sa compétence législative et qu’il ne pouvait pas laisser le soin au Gouvernement de préciser par décret en Conseil d'État le régime de la collecte de renseignements concernant d’autres pays que la France. L’objet de la proposition de loi dont nous débattons ce soir est donc de combler le vide juridique créé par cette censure du Conseil constitutionnel.

Les mesures de surveillance des communications électroniques internationales recouvrent des capacités techniques déployées sur décision du pouvoir exécutif à la fin des années 2000 et mises à la disposition des services spécialisés de renseignement. Toutefois, cette technique de recueil de renseignements a été mise en œuvre sans évolution du cadre légal, à savoir la loi de 1991 sur les interceptions de sécurité. L’initiative prise par nos collègues députés Patricia Adam, présidente de la commission de la défense et des forces armées, et Philippe Nauche, est donc la bienvenue.

Afin de nous prémunir contre tout risque d’inconstitutionnalité et d’effectuer un travail sûr d’un point de vue juridique, j’ai déposé une proposition de loi tout à fait similaire à celle de nos collègues députés et proposé au président du Sénat, en application de l’article 39 de la Constitution, qu’il saisisse le Conseil d'État pour qu’un examen approfondi puisse avoir lieu dans le temps même où l’Assemblée nationale délibérait, et ainsi ne pas faire prendre de retard à la délibération parlementaire. L’avis rendu par le Conseil d'État le 15 octobre dernier a achevé de lever les doutes que nous aurions pu avoir, non seulement sur la constitutionnalité du dispositif, mais aussi sur sa conventionalité, c'est-à-dire sur sa conformité aux conventions internationales, notamment à l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales qui porte sur le droit au respect de la vie privée et familiale.

Dans son avis, le Conseil d'État a estimé que le législateur allait jusqu’au bout de sa compétence. Il a également estimé que la différence de traitement entre les communications interceptées à l’étranger et les techniques de renseignement mises en œuvre sur le territoire national n’était pas manifestement déséquilibrée et qu’aucun principe constitutionnel n’était par conséquent violé par ces dispositions législatives.

Si la surveillance à l’étranger ne donne pas lieu aux mêmes voies de recours que les techniques de renseignement déployées sur le territoire national, le Conseil d'État a observé que des recours étaient possibles dans les deux cas. En effet, la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, dont le texte prévoit qu’elle soit informée de toutes les décisions d’autorisation prises par le Premier ministre, dispose de tout pouvoir pour vérifier les conditions de mise en œuvre de ces autorisations. Elle peut également saisir le Conseil d'État en cas de doute sur la légalité d’une autorisation, cette saisine pouvant intervenir à la demande de trois de ses membres seulement.

Loin d’être dépourvu de contrôle, le système français sera donc très protecteur des droits de la personne. Je ne me suis pas livré à un examen exhaustif, mais je ne connais pas d’État étranger ayant un grand service de renseignement intervenant dans d’autres pays qui ouvre sur son territoire, à l’égard de sa propre juridiction ou d’instances de contrôle, des possibilités de faire ainsi protéger le droit au respect de la vie privée et familiale de personnes s’estimant irrégulièrement surveillées.

Ce régime est bien sûr dérogatoire, mais si l’on considère que les utilisateurs de dispositifs de communication ayant des identifiants étrangers sont moins protégés que les utilisateurs de dispositifs nationaux sur le territoire national, n’oublions pas que, à l’étranger, ils sont protégés par leur propre État. Le régime de nos interventions pour recueillir des renseignements à l’étranger se fait par hypothèse en dehors de la légalité prévue par ces pays, mais la réciproque est vraie !

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