Intervention de Esther Benbassa

Réunion du 26 janvier 2016 à 14h30
Information de l'administration et protection des mineurs — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Esther BenbassaEsther Benbassa :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui vise clairement à renforcer le contrôle des antécédents judiciaires des personnes exerçant des activités ou professions qui impliquent un contact habituel avec des mineurs. Pour ce faire, le texte encadre juridiquement la transmission d’informations entre les autorités judiciaires et administratives. Sont alors concernés les enseignants, les agents des trois fonctions publiques, les contractuels employés par la fonction publique, mais aussi les professionnels ou bénévoles relevant d’une personne morale de droit privé chargée d’une mission de service public.

Cet encadrement juridique est tout à fait légitime et bienvenu, car les pratiques d’information ne reposaient jusqu’alors que sur des circulaires ministérielles dont la validité juridique, au regard des dispositions de l’article 34 de la Constitution, pouvait être sujette à caution.

L’enjeu est également fondamental, puisqu’il s’agit de la protection de nos enfants, qui ne doivent plus être les victimes de dysfonctionnements dans le circuit de transmission des informations entre les juridictions et les administrations chargées de les accueillir. Nous avons tous en mémoire les sordides affaires de Villefontaine et d’Orgères et souhaitons, sur toutes les travées de cet hémicycle, que de tels événements ne puissent plus jamais se produire !

La nécessité de légiférer en la matière fait également consensus au sein du Parlement, qui a déjà évoqué cette question à plusieurs reprises au cours des derniers mois. Ce fut d’abord le cas l’été dernier lors de l’examen des amendements proposés par le Gouvernement au projet de loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne – dispositions finalement invalidées par le Conseil constitutionnel. Ce fut le cas plus récemment lors de l’examen par le Sénat de la proposition de loi de notre collègue Catherine Troendlé visant à rendre effective l’interdiction d’exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact avec des mineurs lorsqu’une personne a été condamnée pour des agressions sexuelles sur mineur.

Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui est donc, à tous égards, nécessaire, et il est urgent que certaines des dispositions qu’il contient entrent en vigueur.

Toutefois, il est capital, en matière de protection des mineurs, comme en matière de lutte contre le terrorisme, d’ailleurs, de toujours garder en tête que la défense des droits fondamentaux doit être notre seul guide en ces temps troublés.

La question qui se pose finalement à nous aujourd’hui est de savoir si ce projet de loi atteint le délicat équilibre entre l’impératif de protection des mineurs et l’indispensable respect du principe constitutionnel de présomption d’innocence.

Face au texte issu des travaux de l’Assemblée nationale, la réponse était positive, particulièrement après la suppression par la commission des lois sénatoriale de la possibilité d’informer l’administration en cas de garde à vue ou de simple audition libre. Cette disposition nous semblait tout à fait excessive et contraire à la jurisprudence de la Cour de cassation en matière de présomption d’innocence.

Toutefois, la commission des lois ne s’est pas contentée de ce texte relativement équilibré et a souhaité introduire deux dispositions supplémentaires, issues de la proposition de loi de Mme Troendlé.

Ces dispositions mettent en place, d’une part, l’automaticité de la peine complémentaire d’interdiction d’exercice d’une activité impliquant un contact habituel avec les mineurs pour les personnes condamnées pour infraction sexuelle contre mineur ; d’autre part, l’automaticité du placement sous contrôle judiciaire, assorti de l’interdiction d’exercice d’une activité au contact de mineurs en cas de mise en examen pour une ou plusieurs infractions entrant dans le champ du régime obligatoire d’information.

Les membres du groupe écologiste considèrent que ces dispositions constituent une certaine défiance à l’endroit des magistrats et qu’elles sont contraires au principe de l’individualisation de la peine. Nous ne pouvons donc les accepter et avons déposé des amendements de suppression.

En fin de compte et bien que le texte soit globalement positif, le groupe écologiste déterminera son vote en fonction du sort réservé à ses amendements.

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