Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, tout au long des neuf années pendant lesquelles j’ai officié en qualité de rapporteur pour avis des crédits de l’enseignement scolaire, je n’ai pu que constater une lente détérioration de la situation de l’enseignement agricole.
L’abondement de 38 millions d’euros des crédits du programme 143 voté par notre assemblée l’an passé m’avait fait espérer en l’avènement d’une ère plus favorable pour l’enseignement agricole. J’ai accueilli avec une certaine déception le projet de loi de finances pour 2010.
Certes, les 38 millions d’euros en question, après un gel de six mois, ont été débloqués et utilisés. Ils ont notamment permis de revaloriser la subvention aux organismes de formation des établissements privés et de réduire le report de charges du temps plein et du rythme approprié. Ces reports avaient atteint un niveau insupportable et minaient la crédibilité des engagements futurs de l’État. Je ne puis que me réjouir de cet apurement, qui avait largement motivé l’amendement que j’avais déposé l’an passé.
Malheureusement, le projet de loi de finances pour 2010 n’a repris qu’une faible partie des 38 millions d’euros octroyés grâce à l’intervention du Sénat. Les crédits du programme 143 enregistrent donc une baisse de 15, 6 millions d’euros à périmètre courant.
La situation des établissements du rythme approprié est particulièrement difficile : persiste en effet à leur détriment un report de charges de 8, 5 millions d’euros, et la dotation pour 2010 ne prévoit pas la poursuite du rattrapage. Or la subvention versée au rythme approprié comprend la rémunération des enseignants. C’est donc l’offre de formation et la capacité d’accueil des établissements qui sont directement touchées.
De plus, les suppressions de postes d’enseignant sont extrêmement préoccupantes. Ainsi, ce sont 201 emplois d’enseignant qui seraient supprimés, pour 306 départs à la retraite. Deux départs à la retraite d’enseignant sur trois ne seraient donc pas compensés, ce qui est nettement plus sévère que la règle du « un sur deux », vous en conviendrez.
Cette rigueur particulière s’agissant des personnels enseignants ne peut que conduire, inexorablement, à la réduction des effectifs scolarisés.
Entre les rentrées 2005 et 2008, l’enseignement agricole a perdu 5 500 élèves sur un effectif de 170 000 environ. Cette diminution ne peut s’expliquer que par le verrouillage de l’offre, puisque je constate, sur le terrain, combien la demande des familles est forte. Malheureusement, les fermetures de classes s’accélèrent : soixante-cinq sont prévues l’année prochaine, après les vingt-cinq fermetures intervenues cette année.
Ce mouvement de resserrement de l’offre de formation, particulièrement préjudiciable dans les zones rurales, remet en cause la mission d’aménagement du territoire que l’enseignement agricole doit aussi assurer.
Je ne peux m’expliquer cette limitation du volume de l’enseignement agricole, d’autant que ses performances en matière d’insertion professionnelle et de poursuite d’études dans le supérieur sont tout à fait remarquables et reconnues par tous.
Ces succès témoignent de la capacité de l’enseignement agricole à rester à l’écoute des territoires et des mutations du monde économique. Contrairement à l’image trop facilement véhiculée, peu de ses diplômés s’installent comme agriculteurs. Ils poursuivent une grande variété de carrières, y compris dans les services et les métiers du développement durable, qui ne manqueront pas de connaître un essor rapide dans les années à venir.
Sans doute serait-il opportun de trouver pour l’enseignement agricole une nouvelle dénomination qui mettrait en avant son ancrage territorial. Peut-être pourrait-il s’appeler « enseignement technique rural » ou « enseignement de l’environnement et de la ruralité » ? Bref, vous l’avez compris, le concours de la meilleure dénomination est ouvert !
Pour assurer la pérennité de l’enseignement agricole, j’estime nécessaire qu’un vrai régime de coresponsabilité entre les deux ministères de l’agriculture et de l’éducation nationale soit mis en place. C’est là l’esprit même de la LOLF, tant vantée, qui devait permettre d’abattre les cloisonnements administratifs mais qui est, vous en conviendrez, largement battue en brèche dans la pratique.
Une coopération plus étroite avec l’éducation nationale aurait tout son sens. Elle permettrait d’accélérer la diffusion de bonnes pratiques pédagogiques et administratives tout en procurant des économies grâce à la mutualisation des moyens.
J’ai l’espoir qu’en empruntant cette voie il sera possible de regagner des marges de manœuvre budgétaires pour l’enseignement agricole, avant que ne soit menacée sa capacité d’innovation. L’apprentissage des langues, l’information et l’orientation des élèves constituent des domaines dans lesquels des actions concrètes pourraient être rapidement menées. Il pourrait également être envisagé de progresser encore dans l’organisation des concours de recrutement et des épreuves d’examens nationaux.
Cependant, j’en suis particulièrement convaincue, il faut éviter toute absorption au sein de l’éducation nationale : cette solution de facilité n’est souhaitée ni par les enseignants et les formateurs, ni par les familles.
La mutualisation des moyens devra donc impérativement respecter la singularité et la culture propre de chacun de ces deux systèmes d’enseignement.
Déçue du sort réservé, malgré son excellence, à l’enseignement agricole, la commission de la culture avait émis un avis de sagesse sur l’adoption des crédits de la mission « Enseignement scolaire ». Tenant compte de nos critiques, le Gouvernement nous a assuré qu’un amendement serait déposé sur le projet de loi de finances rectificatives pour solder les reports de charges et qu’il soutiendrait celui de nos collègues Gérard Longuet et Jacques Legendre, visant à réduire les suppressions de postes d’enseignant. Au bénéfice de l’adoption de ces deux initiatives, que j’approuve sans réserve, j’émets, à titre personnel, un avis favorable sur l’adoption des crédits de l’enseignement scolaire.