Intervention de Alain Richard

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 1er mars 2016 à 18h05
Protection de la nation — Audition de M. Bertrand Louvel premier président de la cour de cassation

Photo de Alain RichardAlain Richard :

Le propos du premier président de la Cour de cassation, public et ouvert à la mémoire, marquera. Il me paraît aller loin dans la remise en cause de notre ordre juridique. La loi de 1790 a consacré la séparation de l'administratif et du judiciaire. Monsieur le premier président, si l'on suit votre raisonnement, énoncé avec talent, il faudra fixer une autre limite... Vous ne dites pas laquelle.

Les fondements de votre prise de position sont fragiles. Vous présentez la rédaction de l'article 66 comme un accident, une inadvertance, en feignant de considérer que le pouvoir constituant était l'Assemblée nationale quand elle a voté la loi de délégation des pouvoirs constituants - dans l'ambiance que chacun a en mémoire... Les libertés individuelles sont certes mentionnées dans la loi d'habilitation, mais tirer de trois mots de cette loi une volonté du pouvoir constituant est fragile en droit. La rédaction de l'article 66, finalement au singulier - « la liberté individuelle » -, ne doit rien au hasard.

Vous englobez plusieurs concepts différents : la liberté individuelle, celle d'aller et venir et ses compléments ; les libertés publiques, consubstantielles à l'existence du juge administratif ; et la protection des droits - droit à un procès équitable par exemple.

Soulever à nouveau ce débat est judicieux. Le Conseil constitutionnel a dressé une limite entre les mesures privatives de liberté, compétence de l'autorité judiciaire, et les mesures restrictives de liberté, relevant des libertés publiques, donc du pouvoir de la police et de l'administration, sous le contrôle du juge administratif. Il ne s'agit pas d'une spécificité française. Cela se retrouve dans un grand nombre de pays d'Europe, et ailleurs.

Quelles sont les conséquences ultimes de votre raisonnement ? Quels actes doivent être soustraits du pouvoir du juge administratif ? Où se situerait la nouvelle limite ? Le raisonnement que vous défendez est extensible à tous les actes de police administrative.

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