Un effort constant et durable sur plusieurs générations est nécessaire. Les résultats les plus marquants et les plus satisfaisants sont toujours le fruit d’une activité soutenue sur le long terme, dont on finit par voir les effets.
La disposition qui introduit un parcours de sortie de la prostitution est aussi indispensable que la sensibilisation publique. C’est la contribution majeure de ce texte. Il faut bien admettre que le chômage et la pauvreté font le lit de ces activités lucratives. C’est pourquoi un emploi sûr et rémunérateur pourrait offrir une indépendance qui dissuaderait ces personnes d’une activité que les réseaux leur imposent. Une meilleure protection juridique pour les extraire de l’impasse où elles sont contraintes constituerait une avancée extraordinaire.
Dans mon département, à Nantes, quelle que soit la température extérieure, je suis effaré – et honteux pour notre pays – de voir un nombre impressionnant de femmes dans les rues, contraintes à la prostitution par des filières mafieuses qui font pression sur leurs familles en Afrique. C’est à ce désordre qu’il faut mettre fin. C’est cette ignominie qu’il convient de faire cesser. Quel arsenal judiciaire leur offrons-nous véritablement pour les protéger du risque de représailles punitives des réseaux ?
Dans chaque département, créer une instance spécifique pour coordonner et organiser l’action en faveur des victimes de la prostitution est une avancée concrète, qui instaure un véritable relais territorial. Avec le temps, ces instances partageront leur expérience, se communiqueront leurs succès et leurs échecs afin d’être plus efficaces dans l’action menée pour la sortie de la prostitution.
Malgré les avancées du texte, quelques tensions demeurent.
Je citerai d’abord la pénalisation des clients, qui figurait à l’article 16 du texte. Les députés y tiennent. Notre commission, en revanche, a supprimé cet article, comme le souhaitaient Amnesty International et plus d’une centaine d’organisations et d’institutions.
En effet, cette pénalisation surchargerait et compliquerait l’action de la police. De plus, les prostituées seraient obligées de se cacher. Elles se mettraient davantage en danger pour contourner cette mesure. Rixes, rackets, harcèlement seront des conséquences que nous devons éviter.
Alors, la pénalisation du client a-t-elle fait ses preuves dans d’autres domaines ou dans d’autres pays ? Que ce soit pour le transport de contrebande, de drogue, d’alcool, de migrants ou d’animaux, c’est le convoyeur pris qui est pénalisé et non le client. De même, les consommateurs de drogues sont rarement pénalisés alors que les dealers le sont majoritairement. On le voit, dans ces domaines, la pénalisation du client ne s’applique pas. Elle a en outre montré toutes ses limites dans d’autres pays.
Par ailleurs, la pénalisation du client n’aurait aucune prise sur les mises en relation directe via les annonces érotiques publiées sur des sites internet. Se donner les moyens de traquer ces publications et les réseaux de prostitution qui sont derrière nécessiterait un arsenal important. Ces sites sont volatiles, indétectables et parfois artisanaux ; ils apparaissent aussi vite qu’ils disparaissent. Leur contenu immatériel ne permet aucun repérage durable ni aucun contrôle. De plus, le montage complexe et astucieux de ces sites contourne toujours les lois, bien connues de leurs exploitants.
Enfin, sans intention de polémiquer, je voudrais revenir sur l’article 13 du texte, qui supprime le délit de racolage passif prévu à l’article 225–10–1 du code pénal. Ce dispositif, sollicité par de nombreux riverains, constituait un levier d’action pour les élus territoriaux. Il permettait de fonder l’arrêt sur la voie publique de toute sollicitation à des rapports sexuels tarifés.
Le maintien de ce dispositif accompagné de l’instauration des instances départementales nous aurait offert un arsenal intéressant afin, notamment, de dissuader la fréquentation de certains lieux de prostitution et de réduire ainsi les nuisances sonores liées aux rotations nocturnes de véhicules de clients. On en revient sur ce point à la case départ : on conserve un fort mécontentement des riverains sans résoudre le problème de fond de l’exploitation par la prostitution.
Sans doute le mal de la société est-il plus important que les solutions que nous apportons. On le sait : toiletter la portion visible de la prostitution ne permet pas suffisamment d’en éradiquer la cause ni l’usage.
Tout texte relatif à la misère de la prostitution touche à la conscience de chacun. Il apparaît difficile et illusoire de dégager des positions unanimes, chacun voulant bien faire mais tenant pour plus sûr tel ou tel dispositif.
La majorité du groupe UDI-UC votera ce texte en considérant les progrès sanitaires et sociaux qui l’animent.