Nous traitons d’un sujet extrêmement complexe. Vous avez parlé de transgression, madame la ministre, et je crains que la loi ne crée la transgression. Tous, nous voulons lutter contre la plus abominable des choses qui est d’abuser d’une autre personne et finalement d’exploiter un être humain ; c’est louable. Quelles sont les bonnes solutions ?
Si la pénalisation est une bonne solution, il faut effectivement la soutenir, mais si elle conduit à une transgression soumettant à des dangers supplémentaires les personnes en situation de prostitution, je pense que c’est une mauvaise chose.
Dans un premier temps, j’étais pour la pénalisation, considérant que c’était le moyen de lutter contre une situation dont on ne peut qu’être honteux. Lorsque vous croisez sur les trottoirs, par un froid abominable, des personnes qui se livrent à cette activité, vous ne pouvez pas rester insensible ; vous avez vraiment envie que cela cesse.
Il existe peut-être des solutions, mais, en tout état de cause, je ne suis pas sûr que la pénalisation soit la bonne. Dans les pays qui ont pris cette initiative, que ce soit en Norvège, en Écosse ou au Canada, on a constaté des travers, c'est-à-dire des transgressions de cette loi ayant pour conséquence de victimiser davantage les personnes en situation de prostitution.
Comment ferez-vous, je le répète, pour contrôler les réseaux internet, pour faire en sorte que les choses ne se fassent pas dans la clandestinité ? C’est la question de la clandestinité qui nous inquiète. En Corée du Sud, par exemple, la pénalisation a provoqué une augmentation des infections dues au VIH. Les associations nous mettent en garde. Si vous pénalisez, nous disent-elles, on ne pourra plus repérer les prostituées ni leur venir en aide. Comment les instances départementales pourront-elles repérer les personnes qui se prostituent ? Elles ne pourront plus agir. Dans ces conditions, comment pourrons-nous être efficaces ?
Ne va-t-on pas favoriser, finalement, dans la clandestinité, la mise en danger et la violence à l’égard des femmes qui ne pourront plus être repérées ? Les clients ne seront plus enclins à témoigner puisqu’ils seront eux-mêmes coupables.
Cette mesure, animée à l’origine par une volonté et une attention louables, aboutit au résultat inverse de celui qui est recherché. Je suis inquiet, car je ne suis pas vraiment convaincu de l’efficacité d’une telle mesure.