Intervention de Philippe Bas

Réunion du 16 mars 2016 à 21h45
Protection de la nation — Article 1er, amendement 25

Photo de Philippe BasPhilippe Bas, rapporteur :

La commission est favorable au sous-amendement n° 25 rectifié, sous réserve qu’il soit de nouveau rectifié, afin de supprimer les mots « officielle par le Premier ministre ».

La mise en œuvre de l’état d’urgence s’effectue en effet par décret en conseil des ministres, c’est-à-dire par décret du Président de la République. Il paraît donc souhaitable que ce soit le chef de l’État qui consulte les présidents des assemblées, sans qu’il soit pour autant nécessaire de le préciser expressément.

À cette condition, il a semblé à la commission des lois que le dispositif de ce sous-amendement constituait une garantie supplémentaire. Il faut pouvoir faire vite et, même si le terme « officiel » n’a pas un sens juridique très précis, ne pas rigidifier la procédure au niveau constitutionnel. Dans la nuit du 13 au 14 novembre dernier, le conseil des ministres étant convoqué, il était relativement aisé, pour le Président de la République, de prendre l’attache du président de l’Assemblée nationale ou de celui du Sénat, par tout moyen. Le plus important est que cette consultation ait lieu. Moyennant cette modification de rédaction, l’avis de la commission sera favorable.

En revanche, je vous demande de bien vouloir retirer le sous-amendement n° 23 rectifié, monsieur Malhuret. À défaut, la commission émettra un avis défavorable. Je sais qu’il est difficile de trouver des qualifications permettant d’offrir davantage de garanties que la notion de « péril imminent », mais celle de « danger clair et présent » me semble plutôt plus faible. À tout prendre, il vaut mieux conserver la condition du « péril imminent », qui me paraît plus exigeante que celle du simple danger.

Monsieur Bonnecarrère, vous avez déposé un certain nombre d’amendements ou de sous-amendements, dont plusieurs recoupent ceux qui ont été adoptés par la commission.

J’aurai l’occasion, tout à l’heure, de donner un avis favorable à l’un d’entre eux, qui me semble ajouter aux garanties que nous avons souhaité introduire dans ce texte. Toutefois, dans le prolongement des arguments que je viens de développer concernant le sous-amendement n° 23 rectifié, la condition de « péril imminent » me semble, à tout prendre, plutôt plus exigeante que celle de « danger », fût-il exceptionnel et menaçant la vie de la nation. En outre, la notion de péril imminent a déjà donné lieu à des appréciations jurisprudentielles. Si nous adoptons une autre formulation, ce sera un saut dans l’inconnu, et nous ne savons pas si les contours qui seront donnés à cette nouvelle notion par les jurisprudences du Conseil constitutionnel et du Conseil d’État seront plus restrictifs ou, au contraire, plus étendus que ceux du « péril imminent ». Dans ces conditions, la sagesse recommande de conserver la notion de « péril imminent ».

C’est la raison pour laquelle je me permets, monsieur Bonnecarrère, de vous faire la même demande qu’à M. Malhuret.

S’agissant du sous-amendement n° 24 rectifié, la notion d’ordre public s’enseigne en première année de droit. Ses contours sont donc bien définis, et assez larges, il est vrai.

Vous avez raison de le souligner, monsieur Malhuret : la notion d’ordre public offre des souplesses qui permettent au Gouvernement de faire face à des situations que l’on ne peut pas prévoir à l’avance. Je dois toutefois insister sur un point essentiel : la justification du décret instaurant l’état d’urgence est contrôlée par le Conseil d’État. La loi qui, éventuellement, prorogera l’état d’urgence pourra elle aussi faire l’objet, soit au moment de sa promulgation, soit par le biais d’une question prioritaire de constitutionnalité, d’un examen par le Conseil constitutionnel. S’il est constaté que le Gouvernement ou le législateur ont adopté une conception trop extensive de l’ordre public et que l’état d’urgence n’est pas justifié, la censure tombera immédiatement. Ce serait donc un bien grand risque, pour l’exécutif comme pour le législateur, de prononcer l’état d’urgence sans raison valable.

Il est difficile de dire à l’avance si la notion de « vie de la Nation » sera interprétée plus largement ou de façon plus restrictive que celle d’« ordre public ». Ce concept est en tout cas moins connu que celui d’ordre public. Aussi je demande le retrait du sous-amendement n° 24 rectifié, mon cher collègue. À défaut, l’avis de la commission ne pourra être que défavorable.

Enfin, monsieur Mézard, l’amendement n° 70 rectifié tend à caractériser le « péril imminent » par référence à la « vie de la Nation ». Il a pu se produire, dans le passé, que l’état d’urgence soit proclamé d’une manière qui a été considérée comme justifiée, alors que la vie de la Nation n’était pas interrompue ni menacée. Vous souhaitez certainement restreindre les possibilités de recourir à l’état d’urgence par rapport au droit positif. Je ne peux m’associer à cette démarche.

La commission des lois a rejeté cet amendement. Il serait préférable que vous acceptiez de le retirer, mon cher collègue. Sinon, la commission des lois émettra un avis défavorable.

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